FRONT 242
RICHARD 23
JEAN-LUC DE MEYER
PATRICK CODENYS
Publié le 28 février 2025 à 2h42 | English version here
Paris, La Machine du Moulin Rouge 29/05/2015 | © Stéphane Burlot
BLACK OUT
Par Christophe Labussière
Inventeur [/ɛ̃vɑ̃tœʁ/] :

1. Personne qui par son ingéniosité invente, imagine, créé quelque chose d'original.

2. Personne qui découvre un trésor, un objet, etc.
Des inventeurs. Front 242 a inventé l'Electronic Body Music. À l'aube des années 80, ces quatre jeunes garçons, Richard, Patrick, Jean-Luc et Daniel, ont entrepris de donner une forme à ces sons électroniques que d'autres avaient, peu de temps avant eux, commencé à tenter de dompter. Quatre jeunes belges, âgés alors de 18, 23, 24, et 27 ans, entreprenant avec ces sons, alors si inhumains, de les rendre organiques, animaux, tentant d'insuffler la vie à des machines qui s'opposaient pourtant à cette époque aux autres instruments "classiques" par le fait qu'elles étaient inertes. Donner de la vie à cette matière, la libérer, pour mieux la dompter.
1981, les synthétiseurs et séquenceurs n'étaient alors qu'un assemblage de circuits imprimés, condensateurs, transistors et résistances, combinaison d'éléments idiots alors sans mémoire, qui perdaient à chaque nouvel allumage ce que l'on croyait leur avoir appris. Un éternel nouveau départ. Si elles oubliaient tout, le groupe n'a quant à lui jamais cessé d'apprendre. Apprendre à dompter ces machines, apprendre d'elles, puis ensuite mieux apprendre d'eux-mêmes.
Festival Dark Omen 20/07/2007 | © Stéphane Burlot
Quarante-quatre ans après l'émergence de ce son et de cet esprit EBM, alors que la mécanique était devenue quasiment autonome tant les sets des garçons fonctionnaient comme une horloge belge, parfaitement huilée par la sueur, la leur et celle de leur public, portée par une énergie indécente et subtilement millimétrée, le groupe a choisi d'éteindre ses machines. Pas pour les punir, mais parce que l'heure de souffler était arrivée.
Festival Eurorock 07/08/1999 | © Stéphane Burlot
Quatre semaines après leur ultime concert, quatre semaines après avoir vécu cette fusion ultime entre plaisir et tristesse, celle et celui du public comme du groupe qui se sont entremélés pendant presque deux heures, laissant les fidèles KO sur le plancher de l'Ancienne Belgique à l'issue de la soirée, désemparés, bouleversés par ce concert à l'énergie inouïe et ce sentiment inédit de "dernière fois", nous avons souhaité prendre des nouvelles de ces toujours jeunes garçons et prendre un tout petit peu de leur temps pour leur poser une poignée de questions qui nous semblaient essentielles.
Paris, La Machine du Moulin Rouge 29/05/2015 | © Stéphane Burlot