
Festival Eurorock 07/08/1999 | © Stéphane Burlot
RICHARD
Entretien réalisé par Christophe Labussière
J’ai eu la chance de vous rencontrer pour la première fois en 1991, en backstage de l’Olympia, une interview qui m’a marqué, je me souviens de votre envie, votre besoin, comme une absolue nécessité, d’éclaircir un point qui commençait à vous peser énormément : le fait que votre démarche aux atours "militaristes" et "virils" commençait à être systématiquement mal interprétée alors qu’elle n’était pour vous qu’artistique et aucunement politique. C’était la toute première fois que vous en parliez, et si je ne me trompe pas c’est vous qui avez à ce moment-là souhaité le faire spontanément. Nous étions en 1991.
Oui, c'est exact, de mon côté c'est devenu important de répondre à ces accusations quand cela a commencé à avoir un impact sur ma vie privée.
Un exemple : mon beau-père qui avait été résistant avait du mal à comprendre ce qu'il lisait à propos du groupe.
Aujourd’hui en 2025, est-ce qu’il y a une question que vous auriez aimé que l’on nous pose et que l’on ne vous a jamais posée ?
Aucune, vraiment, je pense qu'on nous a assez posé de questions depuis plus de quarante ans et comme on n'a jamais vraiment aimé ça...
Concernant "Black Out", cette ultime tournée qui s’est achevée à l’Ancienne Belgique à Bruxelles avec trois soirées consécutives. Saurais-tu me dire quel a été ton sentiment à l’issue de ce dernier concert, le samedi soir, lorsque vous êtes revenus sur la scène, debout face à votre public, sachant que c’était la toute dernière fois ?
Un réel sentiment de satisfaction totale.
Qu’est-ce que tu avais en tête à ce moment-là ?
J'ai pensé à nos tout premiers concerts, dans les petites salles, les maisons des jeunes, dans des endroits parfois improbables, devant souvent pas grand monde. Je me suis souvenu que, déjà à l'époque, on montait sur scène en se disant qu'il fallait tout donner pour que le public comprenne ce qu'on avait à offrir, qu'il y avait une alternative à l'ennui des "autres musiques". Et là, pour la dernière fois, j'ai vu qu'on avait probablement réussi.

Festival Eurorock 07/08/1999 | © Stéphane Burlot
Je crois que vous avez profité de la journée du dimanche tous ensemble, mais le lendemain, le lundi, libéré de ces quarante années de concert, ces salles, ces scènes et ces publics que vous avez rencontrés partout dans le monde, tu saurais me dire quelle est la première chose à laquelle tu as pensé ce matin-là en te réveillant ?
Vive la liberté ! Faire partie de Front 242 a toujours été un immense privilège et je n'ai quasi aucun regret de tout ce qui a été accompli.
Mais cela a aussi toujours demandé beaucoup d'investissement de la part des membres du groupe, ce qui a parfois empêché de pouvoir faire d'autre choses. Aujourd'hui je vais avoir plus de temps, et le temps, cela n'a pas de prix !

Paris, La Locomotive 28/10/2009 | © Stéphane Burlot
En plus de quarante ans, y a-t-il un concert de Front 242 qui t’a plus marqué que les autres ? Un concert pendant lequel il se serait passé quelque chose de particulier ?
J'en citerai trois !
- Mon premier concert avec Front en mars 1983, au Paradiso à Amsterdam. J'ai 20 ans et nous jouons dans un petit festival pour une radio libre locale ce qui fait que la salle est bien remplie. Un solide kick pour le jeune "chien fou" que j'étais de se retrouver là alors qu'avec mon premier groupe on jouait devant vingt personnes.
- Puis, un peu plus tard, notre premier concert aux USA, à Chicago, salle Medusas, en septembre 84. Quand nous sommes arrivés dans la salle, l'après-midi, on s'est demandés pourquoi on nous faisait jouer dans une si grande salle. Mais là aussi, grâce au travail de notre label Wax Trax, le soir venu, la salle était bondée. Un public assez hétéroclite, qui ne connaissait qu'un seul de nos morceaux, "Take One", qui était en rotation permanente dans cette boîte, venu sans doute curieux de découvrir comment ce genre de musique pouvait être développée en live.
- Et pour terminer, c'est le cas de le dire, le dernier à l'AB à Bruxelles, une énergie incroyable provenant du public, comme je ne l'avais pas souvent ressenti auparavant.
Si tu devais faire écouter un titre de Front 242 à quelqu’un qui ne connaît pas du tout le groupe, lequel choisirais-tu ?
"Don't Crash".
Y a-t-il des projets, musicaux ou non, autres que Front 242, sur lesquels tu as maintenant envie de passer du temps ?
J'ai des tas de projets qui n'ont rien de musical, comme apprendre l'Italien et partir à la découverte de l'Italie et de toute sa culture culinaire. Partir à Raja Ampat en Indonésie pour plonger, ce que je n'ai quasi plus fait depuis cinq ans à cause du Covid et puis des tournées avec Front.
Me lancer dans l'Urbex, ce que je faisais plus jeune et qui à l'époque n'avait pas de nom.

Paris, La Machine du Moulin Rouge 29/05/2015 | © Stéphane Burlot
Quel regard as-tu sur les quarante ans qui viennent de s’écouler ?
Je pense que nous avons vécu une incroyable histoire, peu commune et surtout sans égal. Sans déconner, je n'aurais jamais pu imaginer il y a quarante ans que ma vie serait faite de ça, et surtout à ce niveau-là ! Ce groupe nous a aussi permis de rencontrer des gens extraordinaires un peu partout sur la Terre et ça, ça n'a pas de prix.
Est-ce qu’il y a une chose qui aurait pu mieux se passer ?
Notre relation avec PIAS.
Quelle est la chose dont tu es le plus fier ?
Puisque mes enfants ne sont pas des choses, je dirais mon intégrité.
Est-ce que c’est Front 242 "en live" qui s’arrête définitivement, ou bien Front 242 sous toutes ses formes ?
En live pour le moment. On a encore certaines "choses" à terminer.
Quels sont vos prochains projets ?
Il y a déjà la traduction du livre en version anglaise qu'il faut terminer. Pour le reste, on en discute le mois prochain avec les autres membres, vous serez informé plus tard.
Si tu étais un des trois chiffres du "242" de Front 242, lequel serais-tu ?
Le 4.

Paris, La Machine du Moulin Rouge 29/05/2015 | © Stéphane Burlot