& les Chroniques
Express
Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg
"Singularity Spectrum"

"Singularity Spectrum"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 14/04/2023 | Publié le mardi 12 septembre 2023
ET ALORS | "Singularity Spectrum" est le son de la nuit qui tombe, inquiétante et pleine de mystères, comme une réponse en version lumineuse et étoilée au ténébreux et colossal "Night Falls" de Hecq. Nous invitant à lever les yeux vers le ciel, ces deux fines lames du design sonore que sont Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg ont su, avec précision, concision et sobriété, composer un disque où la surenchère sonore est à rechercher dans les couches successives de détails minutieux qu’offre cette electronica à la sensibilité à fleur de peau, et dont la rythmique est démultipliée, étirée puis compactée jusque dans ses moindres retranchements quantiques. Si le disque réussit à s’élever jusqu’aux frontières d’une dark ambient aux touches néo-classiques et ethniques, il explose sur un final absolument grandiose qu'est le titre "Paradoxia". Ecoute après écoute, "Singularity Spectrum" révèle un nouveau son, une nouvelle boucle, un nouveau secret caché dans cette oeuvre de science fiction qui dépeint un univers contraire au nôtre, et qui s’enrichit de deux EPs supplémentaires, "Strange Nebula" et "Fire Pulsations", prolongeant encore plus loin le voyage aux confins du cosmos. Une réussite absolue.

Witch Fever
"Congregation"

"Congregation"
DATES | Sorti le 21 octobre 2022 | Publié le jeudi 15 décembre 2022
ET ALORS | Ça faisait déjà un bon moment que l'on surveillait du coin de l'oeil ce quatuor de jeunes filles de Manchester, très lookées "gothiques", avec une chanteuse en apparence possédée. Alex, Alisha, Amy et Annabelle, rien que des A, comme la note que l'on donnera à cet album, ont sorti deux singles et un mini-LP depuis 2018, et voici enfin leur véritable premier album, "Congregation", plus noir et désespéré que jamais. Ne vous fiez cependant pas au look, même si l'on sent bien à plusieurs reprises des ambiances que n'aurait pas renié UK Decay, pionnier du rock gothique, et inventeurs du terme bien malgré eux, quand celui-ci était encore bourré d'influences punk hargneuses et enragées. Witch Fever est classé sur divers sites web dans le punk/grunge, terme bien réducteur car le son des guitares ne fait pas tout. Grunge, bof, parlons plutôt de noise, de riot grrrls ou d'un rock féministe énervé à la Hole ou Babes In Toyland, avec donc cette tendance death-rock très marquée. Mais peu importe au final : Witch Fever réussit à s'imposer dans un genre pas encore trop répandu (coucou aux françaises de SheWolf) avec un album obsédant et sacrément bien foutu qui fait qu'on y revient même sans s'en apercevoir.

We.The Pigs
"We.The Pigs"

"We.The Pigs"
DATES | Sorti le 26 novembre 2021 | Publié le lundi 24 janvier 2022
ET ALORS | Le premier album des Suédois de We.The Pigs est l’excellente surprise de la fin d’année dernière. Ce quintette originaire de Stockholm n’avait jusqu’ici enregistré que deux discrets singles, mais la sortie de "We.The Pigs" devrait changer la donne en ce qui concerne leur exposition au monde. Les chansons y sont efficaces et robustes, les influences sont héritées de l’indie rock à tendance noisy, shoegaze ou purement pop des 90s. Portés par un chant féminin aérien, We.The Pigs rejoint cette famille de jeunes talents que nous aimons et qui ne refusent pas quelques larsens lorsque l’occasion se présente ; on pense à Manon Meurt, à Pinkshinyultrablast, à Blankenberge ou encore à Be Forest, des formations qui ont essaimé dans toute l’Europe et dont la qualité des productions n’a rien à envier à celles qui créaient la sensation en Angleterre il y a plus de trente ans. Avec ce premier album pop, audacieux et bluffant, We.The Pigs, le pied sur les pédales d’effets, passe ce mur du son que nous adorons tant franchir avec ou sans casque, et délivre ici une sacrée collection cohérente et enivrante de chansons que l’on a envie de continuer de fredonner pendant longtemps. Reste tout de même un point qu’il faudra éclaircir : pourquoi ce drôle de nom ?

Tenderlash
"Hold Still"

"Hold Still"
DATES | Sorti le 4 janvier 2021 | Publié le lundi 5 avril 2021
ET ALORS | Rien n’y fait, même après quinze écoutes, les deux premiers titres de ce court album me semblent incongrus. Mais peu importe, ce sont aux sept autres qu’il faut s’intéresser, car ils méritent largement que l’on s’y attarde. Dès "Fate", le ton est donné, Candy Durant sera notre hôte et sa synthwave plutôt dark nous drapera d’un voile presque érotique tant elle parvient à s’emparer rapidement de nos sens. Sa voix est littéralement envoûtante, l’ambiance est intrigante, évolutive, riche, on est bercés par les sonorités électroniques soignées et entêtantes que distille brillamment l’artiste seule aux commandes de ce projet. Avec "Hold Still" le rythme s’accélère, mais l’on reste dans un univers cotonneux que l’on aimerait ne jamais quitter, "Cold Outside" nous enlace, puis "Misery Loves Fantasy" nous transporte et les images deviennent étranges avec ce qui pourrait sonner comme la BO d’un épisode de "American Horror Story". Plus loin, on rêve que l’hypnotisant "Mourning at Midnight" ne s’arrête jamais, avant que "Snow Moon" nous ensorcelle et qu’"Open Your Eyes" nous oblige finalement à rouvrir les yeux. Le projet a été initié en 2013 et mis de côté jusqu’à 2020, date à laquelle il a été ressuscité, pour notre plus grand plaisir.

Deathlist
"You Won't Be Here For Long"

"You Won't Be Here For Long"
DATES | Sorti le 29 mai 2020 | Publié le lundi 27 juillet 2020
ET ALORS | Prendre le temps d'écouter ce très bel objet qu’est "You Won't Be Here For Long", c'est accepter de pénétrer dans un univers trouble où règne la pénombre, légèrement enfumé, où l’on respire des vapeurs d'alcool et des relents de sueur. Un endroit où la vision se trouble et où notre discernement s’estompe ; comme si l’on se retrouvait dans un épisode de Twin Peaks ("You Won't Be Here For Long", "I Was Floating") dans lequel on prendrait un plaisir infini à se laisser entraîner, aspiré par cette ambiance légèrement moite, presqu'animale, bercé entre bien-être et malaise. Jenny Logan, originaire de Portland dans l’Oregon, nous offre avec son quatrième album une immersion légèrement noisy, lancinante, entêtante, quasi hypnotique ("Sad High"), qui continuera à vous hanter bien après que l'écoute du disque soit terminée. Deathlist c’est The Jesus à Mary Chain qui aurait été ensorcelé par Chelsea Wolfe, Deathlist vampirise la noirceur de l’un et la douceur de l’autre et parvient à nous envoûter et à nous happer dans son délicieux univers où l’on n’aura de cesse de revenir tant ce qui en émane est d’une beauté quasi magnétique.

Sorry
"925"

"925"
DATES | Sorti le 27 mars 2020 | Publié le mercredi 29 avril 2020
POURQUOI | Les singles précédents l'album
ET ALORS | Quel gifle ce "925" ! Et qu'elle est agréable cette rougeur sur la joue ! La jeune formation originaire de Londres s'amuse avec "925" à rebattre les cartes de l'indie pop en empiétant avec la plus grande finesse sur les plates-bandes de deux trois monstres, et pas des moindres. Ici, sur le refrain de "Right Round The Clock" c'est évidemment à Metronomy que l'on pense lorsque Louis O’Bryen vient doubler la voix féminine d’Asha Lorenz, là, lorsque celle-ci nous rappelle celle de Martina Topley Bird et que s’installe une moiteur et une nonchalance légèrement trip-hop c’est Tricky qui s'immisce, un peu plus loin c'est Pulp et que l'on croise, et tapie dans l'ombre c'est l'énergie de Pixies qui s'impose comme par exemple sur "Perfect" qui porte très bien son nom. Et le tout est organisé d'une façon extrêmement intelligente : c'est frais, c'est enjoué, c'est varié, les mélodies s'installent et l'atmosphère globale redonne ses lettres de noblesse au genre qui d'un coup semble se réinventer totalement. On peine à imaginer que la formation ait pu produire un son aussi mature alors que ce n'est que son premier album. Mais les singles et démos accessible via leur Bandcamp qui ont précédé cette sortie attisent tout notre intérêt ; un bijou comme celui-ci est rare et on va bien prendre soin de lui.

Pencey Sloe
"Don’t Believe, Watch Out"

"Don’t Believe, Watch Out"
[Prophecy]
par Bertrand Hamonou
DATES | sorti le 27 septembre 2019 | Publié le lundi 6 janvier 2020
ET ALORS | Cet album, nous l’attentions depuis qu’un premier extrait, "Lust of the Dead", fut dévoilé en avril dernier : ces guitares, cette ambiance à la fois plombée et tellement belle, la formule sacrée nous avait ensorcelés. Et puis cette voix, tout autant fragile que battante, bien décidée à exister face à ce mur du son, ce véritable monolithe autour duquel l’univers musical des Parisiens de Pencey Sloe semble tourbillonner sans jamais s’arrêter, mû par une rythmique rampante et obsédante à laquelle les cordes de guitares hurlantes s’accrochent en tombant du ciel. Les compositions se drapent alors d’intemporalité, se rappelant immédiatement à nos années d’indie rock et de shoegaze des 90s avec un supplément d’âme et de personnalité, puisque ce jeu et cette façon de faire semblent tout à coup uniques, les guitares hurlant leurs propres refrains. "Don’t Believe, Watch Out" est un coup de maître improbable pour un premier album à l’instar du "MMXVIII" de Manon Meurt, touchant du bout des doigts une perfection qu’il sera vraiment difficile de dépasser.

Nuovo Testamento
"Exposure"

"Exposure"
DATES | Sorti le 7 mars 2019 | Publié le vendredi 9 août 2019
ET ALORS | Parfois on s’emballe. Souvent on doute. Lorsque tout est trop évident, quand il ne suffit que de quelques secondes pour déceler les références et l’inspiration flagrantes, quand les intentions sont dévoilées dès les premières notes, quand chaque instrument rappelle celui d’un autre. C’est soit que l’artiste n’est pas très malin, soit qu’il est intrépide. Nuovo Testamento doit faire partie de cette deuxième catégorie. Car on adore, immédiatement. Cette voix féminine assurée, celle de Chelsey Crowley, californienne d’origine, et l'armada italienne qui la soutient : une rythmique tranquillement orientée dancefloor, une basse et une guitare que le fils de Simon Gallup ne renierait pas, et surtout des synthés, des nappes qui devraient rendre folle de jalousie toute la scène goth de ces 30 dernières années.
Parfois on s’emballe, parfois on s’enflamme. Souvent on excuse tout.

Curses
"Romantic Fiction"

"Romantic Fiction"
DATES | Sorti le 26 octobre 2018 | Publié le lundi 17 juin 2019
ET ALORS | Antler Records ? KK Records ? Nettwerk ? Ce son, cette pochette, on est évidement certain de l'avoir déjà acheté ce vinyl. Chez Danceteria sûrement, ou peut-être chez New Rose. Il n'y a pas très longtemps... en 1985... 86. C'est à tout ça que nous renvoie "Romantic Fiction", le premier album, après une série d'EP, de Curses, new-yorkais d'origine installé à Berlin. À moins que ce ne soit à Boy Harsher ou à ces artistes qui puisent aujourd'hui, à l'infini, sans ne jamais nous lasser, dans cette source élémentaire qui semble pourtant intarissable, cette new wave early EBM, construite sur une rythmique froide, quelques samples de basses, de voix, un synthé malin et un chant mélancolique. On s'attache très vite à ce disque, auquel participent la niçoise Jennifer Cardini et la berlinoise Perel, même si l'excitation faiblit sur la longueur de l'album qui s'étire peut-être un peu trop.

Calva Louise
"Rhinoceros"

"Rhinoceros"
DATES | Sorti le 1e février 2019 | Publié le mardi 5 février 2019
ET ALORS | Après quatre titres égrénés au long de l'année 2018, on attendait avec impatience l'album de ce trio bien sympathique venu de Londres (Jess et Ben à la basse et batterie, Alizon à la guitare et au chant). Outre les morceaux déjà connu, "Rhinoceros" confirme avec les nouveaux titres qu'on a bigrement bien fait de croire en ce groupe. Calva Louise se qualifie de "fuzzy-grunge", le chroniqueur averti acquiescera, mais il évoquera aussi une power-pop énergique, excitée et délirante, et des titres qui passent sans prévenir du cri d'hystérie aux sifflotements tranquilles, avec des choeurs là où il faut et de la bonne humeur à tous les étages. Disons-le tout net, Calva Louise fait foutrement penser aux Pixies, et rares sont ceux qui peuvent y prétendre sans passer pour d'odieux snobs. Vous aviez besoin d'un remontant en cette triste période politique, alors foncez, ce disque vous remettra sur pieds !
CONNEXE | Pixies










