LANE (Love And Noise Experiment)

Interview réalisée par Frédéric Thébault

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« Pictures of a Century »

[Vicious Circle]

Sortie le 19 juin 2020

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Faut-il encore présenter LANE (Love And Noise Experiment), le quintette angevin formé sur les cendres des Thugs et de Daria ? Leur premier album, "A Shiny Day", sorti en 2019, était tout simplement brillant. Il a d’ailleurs été classé parmi les meilleurs albums français de l'année par le mensuel Guitar Part et s’est retrouvé en huitième position du classement des disques les plus diffusés par la Ferarock (Fédération des Radios Associatives Musiques Actuelles). Assisterions-nous à un revival guitares / bruit / mélodies à l’aune des années 20 ? C’est bien possible, car les amateurs de guitares font de plus en plus de bruit, et ce n’est pas qu’un pléonasme : IDLES, Slaves, LIFE, The Murder Capital, Fontaines D.C., The Blinders, Starcrawler chez nos amis anglo-saxons, Rendez Vous, Lysistrata, Last Train, The Eternal Youth, Dewaere chez nous, et tous ces gens-là sont loin d’attirer un public marginal. LANE pourrait donc bien faire figure de héraut parmi ce petit monde, et le succès immédiat de leur très attendu second album, tout chaud dans les bacs, "Pictures of a Century", ne peut que confirmer cette impression. L’occasion était trop belle de discuter de tout cela directement avec Éric, Camille et Etienne, respectivement chanteur, batteur et guitariste de LANE.
LANE : le bruit mais surtout, l’amour.
"Pictures of a Century" sort plus tard que prévu, de même les concerts prévus au printemps ont été annulés, vous allez pouvoir rattraper le temps perdu ?
Étienne : Effectivement, la sortie de l'album a été légèrement décalée, du 22 mai au 19 juin 2020. Vu la situation sanitaire, les dates du printemps et été 2020 ont rapidement été annulées et/ou reportées. Et puis, finalement celles qui constituaient le début de la tournée à l'automne 2020 l'ont aussi été, car il y a trop d'inconnues encore à ce jour, pour jouer dans des conditions plaisantes et sûres pour tout le monde. Maintenant, je ne crois pas qu'il faille dire qu'il y aura du temps à rattraper, il faudra plutôt redémarrer quand il sera temps, une fois cette parenthèse (pas si enchantée) terminée.

Vous en avez profité pour composer pendant le confinement ?
Étienne : Le confinement a été source de beaucoup d'idées ça c'est sûr ! Mais pas de compositions à proprement parler. Dans LANE, chacun chez soi bricole un riff ou une mélodie sur laquelle Éric, quand c'est pas lui-même qui a bricolé le riff ou la mélodie, pose une voix... Mais la composition commence vraiment au local, quand on fait tourner, à plein volume, avec les apports de chacun, et qu'on ressent le truc et qu'on en discute à la fin en disant, allez on valide on garde, ou alors on oublie.

Parlons un peu des suites du premier album : vous avez beaucoup tourné après sa sortie, y-aurait-il un nouveau public ou juste des vieux nostalgiques restés bloqués dans les années 90 ?
Éric : Vu le curriculum vitae des membres du groupe il était difficile d'imaginer que nous jouerions devant un public très jeune. De plus notre style musical est passé de mode depuis de longues années et même si nous notons un certain retour des groupes à guitares cela reste très marginal. Bon, la mode on s'en fout, on va continuer à faire du bruit et chanter l'amour !

L'album était à peine sorti qu'il y avait déjà des chroniques dithyrambiques, même Le Monde s'y est mis, j'imagine que ça fait plaisir bien sûr ?
Étienne : Oui c'est gratifiant pour nous, mais aussi notre label Vicious Circle qui a beaucoup fait pour cet album qui est sorti en cette période troublée, et pour toutes les personnes qui ont travaillé au disque, Michel Toledo en tête !

Pensez-vous que ça soit dû à un besoin de retrouver des sonorités plus brutes, que ce soit simplement dans l'air du temps ?
Étienne : Pour l'air du temps ou les sonorités brutes, je ne saurai pas dire. Ce qui est sûr, c'est que l'on a beaucoup travaillé pour ce disque, en y mettant de l'énergie, de la sincérité et de l'implication quotidienne pour faire les meilleures chansons possibles. C'est peut-être ça finalement ce que les gens retiennent à travers cet album.

Le tempo s'est un peu ralenti sur le nouvel album, c'est venu naturellement ou c'est un choix délibéré d'aller vers des morceaux plus "tranquilles" ?
Camille : À y réfléchir, je ne trouve pas que le tempo s’est tant posé que ça ; l’impression vient peut-être des atmosphères qui sont plus variées entre les titres, voire d’un relief plus important au sein même de certains morceaux. Dans tous les cas, nous n’avons pas discuté ou décidé d’une quelconque esthétique pour les chansons de cet album et nous ne le ferons probablement pas à l’avenir non plus.

Pour continuer sur les textes, il faut poser une question difficile : LANE, êtes-vous un groupe triste ?
Éric : Le moins que l'on puisse dire c'est que ceux qui connaissent le groupe savent que nous sommes tout sauf triste. Pour nous, faire de la musique, créer, c'est avant tout jouissif, enivrant, excitant, joyeux. Mais nous avons une vision consciente de ce monde, comme disaient Les Thugs il y a fort longtemps "As happy as possible".

Si vous deviez donner un seul adjectif à votre musique, lequel vous décrirait le mieux ?
Éric : S’il faut nous nous trouver un qualificatif réducteur, je préfère que l'on dise "conscient".

On n'a pas l'habitude de vous voir très causants sur scène, mais vous avez eu des mots pour les femmes battues, lors de votre passage à Ivry. Sans parler d'avoir un engagement politique comme le font certains groupes, qu'est-ce qui vous révolte aujourd'hui ?
Étienne : Effectivement, pas bavards sur scène et on ne le sera jamais. Ce qui ne nous empêche pas de l'être par ailleurs ! On ne se met pas nécessairement en colère contre tout, car ce serait stérile. Mais, comme le souligne Éric, nous avons une vision consciente du monde alentour, où les choses n'apparaissent pas toujours de la plus belle manière, à nos yeux. Et ça, c'est au moins une bonne raison de s'engager à travers la musique pour tenter de le dénoncer.

Et qu'est-ce qui vous réjouit ?
Étienne : Pour ce qui nous réjouit tous les cinq en même temps, de façon simple et légère : se retrouver pour faire des chansons puis se faire un bon dîner !

Vous n'en avez pas marre qu'on vous compare encore sans arrêt aux Thugs ?
Camille: Non, je crois que nous ne souffrons pas tant de la comparaison avec la musique des Thugs. LANE développe sa propre identité musicale au-delà du passé de ses membres. Au fond, je pense que les fréquents rembobinages témoignent plus du besoin de certains médias d’évoquer LANE à travers le spectre des Thugs que d’une réalité quotidienne pesante pour nous. À cet égard, les deux dernières tournées nous ont montrées que les gens qui viennent aux concerts sont là pour LANE, et donc moins pour les ombres de tel ou tel groupe ; et ça c’est cool. 

Et la dernière question, la plus importante : les groupies, ça marche bien malgré la moyenne d'âge ?
Étienne : Tout le décorum du rock'n'roll et les groupies qui vont avec, ça n'a jamais été pour nous je crois... Ni maintenant ni par le passé. Mais par contre, on trouve vraiment agréable de passer du temps avant ou après les concerts à discuter avec les gens qui sont venus pour nous écouter. Après, je ne sais pas si ça vaut toutes les groupies du monde...