FRAGILE

Interview réalisée par Frédéric Thébault

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« ...About Going Home »

[Twenty Something]

Sortie le 9 juin 2023

"Fragile, c'est du solide" a-t-on pu lire sur plusieurs comptes-rendus consacrés à ce nouveau groupe angevin que nous avons chroniqué ici-même dès la sortie de leur premier EP et dont nous avons diffusé des titres dans plusieurs de nos podcasts. On vous épargne ce jeu de mots, mais il est vrai qu'il sonne juste : Fragile était à peine né que nous étions épatés devant tant de professionnalisme, mais surtout, de talent. Leur musique, désormais disponible partout dans l'univers via ce premier EP "...About Going Home" sorti en juin dernier, pourrait, si l’on n'y fait pas attention, ressembler à du hardcore mélodique basique comme il y en a depuis trente ans... Mais elle va bien au-delà, tant elle est teintée d'influences diverses z'et variées, assumant son originalité et sa modernité. Cela méritait bien que l’on s'intéresse de plus près à ces cinq jeunes gens aux concerts époustouflants d'énergie, d'émotion, de fraternité... et disons-le carrément, d'amour.
Interview de Félix Sourice, batteur (batteur tout court, il est modeste).

Pourquoi Fragile ?
En fait c'est un nom qui a été proposé aux tous débuts du groupe, on avait plusieurs idées avant, Baptiste a sorti ce nom de groupe-là un peu de manière spontanée et ça nous a tout de suite parlé, parce que ça colle bien à notre état d'esprit.

Ce n'est pas un peu anti-rock'n'roll, loin des clichés qu'il y a d'habitude dans ce genre de musique ?
Oui, ça nous correspond bien parce qu'on est tous des boules de sentiments. On parle beaucoup de santé mentale dans les morceaux, et le moment de création du groupe correspondait aussi à une période ou Baptiste avait une santé mentale un peu fragile, donc ça a résonné tout de suite. Après, ça peut aussi vouloir dire tout et son contraire, mais on est très contents de ce nom et on l'assume entièrement. C'est un nom dans lequel on se retrouve tous et il s'avère que nos morceaux s'inscrivent dans ce nom de groupe, avec beaucoup d'émotion... on essaye d'en mettre en tout cas. Et Fragile, ça se dit pareil en anglais !

Donc, si vous composez un morceau ou il y a juste de la colère par exemple, vous allez essayer d'y glisser de l'émotion ?
Oui voilà, si un jour on veut composer un morceau un peu plus énervé, on va partir sur cette base, par exemple speed et violent, mais nous allons rajouter cette touche de fragilité, notamment via la voix de Baptiste. De sensibilité, de fébrilité même. C'est un axe dans notre musique.


Comment vous êtes-vous rencontrés ?
On se connaît tous depuis très longtemps, on va dire que la plus longue relation c'est Manu et moi depuis le lycée, puis avec JB et Josic il y a cinq ou six ans quand il jouait dans les Wild Fox, j'étais leur sonorisateur, et on buvait des coups dans les bars, etc., Baptiste était un ami d'ami. Le groupe a commencé pendant le deuxième confinement, celui avec les restrictions à 18h, on en avait marre et on voulait faire quelque chose de nos vies. Moi j'avais déjà joué un peu avec JB donc on s'est dit que c'était l'occasion, 'on n'avait rien à faire de nos journées. Quant à LANE, le groupe commençait à s'arrêter, j'étais donc plus libre. On se retrouvait tous dans le local de répèt des Wild Fox et on passait nos soirées et nos nuits à jouer. Puis Baptiste est arrivé avec des idées de voix. C'était des conditions un peu précaires car il ne fallait pas dépasser 18h, ou si tu dépassais l'heure il fallait être vigilant. Puis les barrières se sont levées et on s'est dit qu'on avait mieux à faire que de jouer de la musique dans une cave juste pour le plaisir. Poussons le projet et essayons de faire vivre le groupe du mieux qu'on peut ! Et donc, ça entraîne l’écriture de morceaux, et puis un enregistrement, et une sortie de disque.

Toi, en tant que fils de Thugs, puis dans LANE, avec l'expérience d'un gros groupe donc, ça vous a aidé pour enregistrer et pour le reste ?
Oui, on peut parler de l'expérience avec LANE en effet, mais il ne faut pas négliger non plus l'expérience des autres, notamment celle de Josic avec Wild Fox, de Baptiste avec Dog For Friends, et bien sûr de Manu avec Scuffles. Moi j'ai eu une énorme expérience avec LANE, c'est sûr, ça m'a appris beaucoup de rigueur et de connaissances sur le monde de la musique en général : qu'est-ce qu'un groupe en tournée, tous les coûts, prévoir l'économie, les horaires, etc. On en rigole beaucoup avec les gars, mais si tu n'es pas au moins une demi heure en avance au get-in, pour moi c'est un manque de respect, Josic a énormément tourné avec les Wild Fox aussi, Manu aussi, et avec Scuffles qui continue en ce moment. LANE m'a beaucoup apporté, et je le partage, mais les gars aussi ont leur expérience et c'est là où c'est hyper intéressant, on a tous nos univers différents.

D'ailleurs vous avez tous joué dans des groupes musicalement assez différents ?
On se retrouve sur le punk rock, sur le hardcore, mais on a tous nos sensibilités musicales. Baptiste par exemple jouait dans Dog For Friends, c'était très calme, synth-pop on va dire. Un de ses groupes préférés c'était par exemple The National, tu vois. Mais il a toujours été fan de hardcore ! Manu a une énorme culture électro-rap, Josic avec les Wild Fox vient plutôt du post-punk et il a aussi une culture folk, garage, il n'écoutait pas tout de hardcore avant, et petit à petit, à force d'en jouer, et du fait que nous-mêmes en écoutions souvent, dans le camion par exemple, il s'est familiarisé avec ça. Enfin, JB était initialement plus punk-rock français, un peu punk à roulettes, quant à moi plutôt punk-hardcore influencé américain, mais on se retrouve tous sur les bases, Sum 41, Green Day, etc.

Personnellement je trouve que le terme de hardcore ne correspond pas trop à Fragile, c'est un terme un peu galvaudé aujourd'hui... J'ai le sentiment qu'aujourd'hui on est au croisement de plusieurs choses, avec des groupes comme Drug Church, Turnstile, High Vis…
C'est du post-post-hardcore ! C'est vrai qu'en parlant de hardcore on pense à Minor Threat, Black Flag, Bad Brains ou même des choses d'aujourdh'ui comme Incendiary, des trucs très énervés.

Le terme "émo" lui non plus, je trouve, n'est plus tellement adapté ?
En fait, Fragile se trouve un peu à la croisée des chemins... Nous sommes par exemple très influencés par La Dispute (un groupe canadien -ndlr), guitare très clean, chant avec différents intentions, une énergie aussi différente, c'est peut-être pour ça qu'on peut parler de post-hardcore. C'est ça qui pourrait caractériser Fragile, émo-post-hardcore : on prend les codes du hardcore : chant gueulé, un côté émo avec des guitares clean et des accords qui te poussent à l'émotion, une dynamique de voix qui fluctue, un duo basse/batterie qui n'a pas le son typique du hardcore, à savoir double-pédale plus grosse basse, c'est un peu plus terre à terre, et ça donne Fragile. C'est un peu dur de se caractériser ! Clément notre attaché de presse, nous définit comme du moderne post-hardcore. Mais c'est hyper dur de se qualifier !

Question influences alors, revenons-y ?
Le Dispute donc, Turnstile, par exemple, on s'est fait plaisir avec le morceau "Overview", on s'était dit que ça pouvait être cool de mettre un liant, comme le fait Turnstile, et l'idée du riff de Josic au début. Et comme avec JB et Josic on écoute énormément Turnstile on s'est dit que ça pouvait être bien d'ajouter une rythmique presque un peu trap, et en arrivant dans le studio, après avoir galéré dans les voix (Baptiste est encore en phase d'apprentissage sur du vrai chant no hurlé !), on s'est dit pourquoi pas mettre un peu d'autotune, aider la voix, mettre quelques choeurs, plus une boîte-à-rythme, de s'amuser un peu, de se faire plaisir. Ce sont Elliott et Stew qui ont produit l'EP et qui ont eu carte blanche pour ça. La première version était déjà hyper bien juste comme on voulait, on s'est dit qu'on arrivait dans un truc qu'on n'avait jamais fait, sauf peut-être Manu dans Scuffles, car c'est très électro. Mais nous, nous n'aurions jamais pensé faire un morceau comme ça au départ.

Et ça ne vous dit pas d'ajouter des samples, ce genre de choses ?
Pour notre EP, on est allés sur quelque chose de très classique, très simple, mais pour la future composition d'un vrai premier album, on s'est dit qu'on ne devait pas se mettre de limites, et qu'il fallait aller plus loin que les deux guitares, la basse et la batterie, qu'on aille plus loin dans les choeurs, plus loin dans la production, plus loin dans les rajouts : du shaker, pourquoi pas du piano, des samples, un peu comme Turnstile oui. Nous sommes encore au début de l'identité Fragile et notre identité en tant que groupe prend même forme au fur et à mesure de la création des morceaux. Tu peux peut-être l'entendre d'ailleurs sur le disque, certains morceaux n'ont pas forcément de rapport entre eux. Par exemple "Winter at the Museum" est l'un des derniers que nous ayons composé, et pour moi c'est peut-être celui qui définit le mieux Fragile dans les intentions, dans la dynamique, avec des accords un peu émo/tristes.
« Évidemment, chacun a son tempérament, on a nos prises de tête, chacun ses goûts et ses couleurs, mais on s'aime tous, on se respecte, on connaît nos petits caractères et on fait avec. Mais oui, avant tout c'est une vraie amitié. »
Tous les cinq vous êtes dans le même état d'esprit, non ? Sur scène on sent une vraie osmose entre vous, un truc entre potes, sans que l'un prenne plus la vedette qu'un autre.
Évidemment, chacun a son tempérament, on a nos prises de tête, chacun ses goûts et ses couleurs, mais on s'aime tous, on se respecte, on connaît nos petits caractères et on fait avec. Mais oui, avant tout c'est une vraie amitié. Et puis il a aussi un petit côté thérapeutique avec Fragile, pour chacun d'entre nous. Un espèce d'exutoire à jouer les morceaux en live aussi. Quand tu vois par exemple comment est Baptiste en concert, il donne tout ! Il faut d'ailleurs le canaliser un peu car s'il donne trop un jour, le lendemain il n'aura plus rien à donner. On se regarde, on partage notre énergie, notre fébrilité. Il y a aussi une forme d'urgence sur certains morceaux, et alors il y a quelque chose qui se crée en concert, avec l'émotion du titre qui rejaillit sur nous. Par moments, quand ça se calme, où on se regarde tous et on se dit "Wahou !". Il faut accuser le coup aussi.

Parlons de Baptiste justement, la première fois que je l'ai vu il m'a fait penser à Ian Curtis. Il va bien ce garçon ?
Bon, écoute, moi je ne vais pas parler de ses états d'âme, mais tu as lu les paroles. Je crois qu'au moment où il les a écrites ça n'allait pas très fort, donc en effet, on ressent ça dans ses textes. Il a tout fait à 100%. Après, comme je te disais, il y a eu un effet thérapeutique pour lui, pendant l'enregistrement, et en concert. Lui-même le dit, ça lui a fait économiser des séances de psy ! Et maintenant on en rigole car comme ça va mieux, il le dit lui-même, ça va être une vraie galère pour l'album à venir, car tout va bien, il risque de ne plus avoir aucune inspiration ! Bon, c'est du second degré, mais oui les paroles sont assez sombres. Pour le détail des paroles, il n'y a que lui qui peut en parler. De notre côté, on a juste corrigé quelques erreurs de syntaxes en anglais, ou alors on lui disait "Ce mot là plutôt que celui-là", "Cette intonation là plutôt que celle-là", mais c'est tout. Il a écrit ce qu'il voulait. On ne se serait pas sentis à l'aise du tout de changer quoique ce soit.

Et pour les compos ?
Chacun est venu avec ses idées, même moi en tant que batteur, avec des idées pour les guitares par exemple. Avec les nouveaux morceaux qui arrivent, on tend plus à laisser à chacun la place qui lui revient. Les deux guitares par exemple, ce sont Josic et JB, Manu et moi nous intervenons plus dans la rythmique, la structure du morceau, l'ajout de petits détails. On part d'un riff, on fait une structure bête et méchante couplet/refrain, on l'améliore et on se demande ce qu'on pourra rajouter comme micro-détails pour aller plus loin dans la structure du morceau. Par exemple, dans certains titres on a essayé de casser un peu ça et on essaiera encore de le faire dans le prochain album.

À propos des vidéos, vous en avez faites trois, et à chaque fois ce sont des gens qui dansent, c'est délibéré ?
Oui c'est vrai. C'est Josic qui fait les vidéos, c'est son métier, donc on est hyper-contents car il est vraiment talentueux, et en plus c'est du circuit court. Mais je ne pense pas que ce soit voulu, le côté danse, en fait. Quand on a fait "Take Care", le premier single, on avait cette idée de gens qui dansaient une valse, en trois temps, donc c'était logique d'avoir un couple qui danse. Pour les deux autres clips, on n’est pas vraiment dans de la danse, plutôt dans une forme d'extériorisation, un lâcher-prise, un rapport au corps... mais ce qui est sûr c'est que Josic adore travailler avec des comédiens, des acteurs, je crois qu'il préfère ça plutôt que des plans avec beaucoup de monde. On ne nous voit pas apparaître dans le vidéos comme groupe, on n'a pas envie de ça.


Ça donne un peu l'impression d'un pétage de plomb dans les deux dernières vidéos.
Oui, parce que ça parle de trucs que tu as dans la tête qui explosent à un moment donné, et puis c'est aussi en lien avec la dynamique du morceau. Pour "Winter at the Museum", on est plus dans l'émotion, donc on a un corps qui crie au désarroi, qui crie toute sa peine. Alors que pour "Laugh/Cry" c'est plus violent, c'est "Je pète un câble, j'en ai marre", c'est quelqu'un qui est énervé. Et c'est mis en scène sous forme de "danse", mais entre gros guillemets.

Mais ça ne coûte pas cher pour un petit groupe comme vous d'avoir des acteurs ?
On a un circuit court, on connaît des gens avec du talent sans avoir besoin d'aller chercher à droite à gauche en mettant des sommes astronomiques dans cette recherche. Et puis si ça coûte parfois cher, ma foi ça fait partie du jeu, on a les revenus des concerts notamment, donc on fait en sorte que ça fonctionne. On a beaucoup de chance pour un groupe qui débute, on a tout de suite eu des personnes qui nous comprennent, qui nous soutiennent, qui nous proposent des choses à moindre coût.

Donc vous n'avez aucun manager, alors que souvent dans l'histoire des groupes, tant qu'il n'y a pas de manager c'est n'importe quoi, et c'est le manager qui apporte stabilité et reconnaissance.
Non, en effet,, on n'a pas de manager. Personnellement je pense que ça ne nous servirait à rien. Quand on est un groupe de cinq avec chacun des talents individuels, comme la vidéo pour Josic, moi qui fait la régie car c'est mon métier... ce serait presque un signe de paresse (rires) ! Je ne sais pas comment les gars vont réagir quand ils vont lire ça… En fait, on a toutes les clés en main pour pouvoir nous débrouiller. Après, si l'idée c'est de choper un copain pour lui demander de conduire le camion, s'assurer qu'il nous trouve un logement cool, ça nous suffit. Dans mon travail, j'en vois des managers, ils sont là sur place, ils ne font rien, franchement on peut se débrouiller tout seul.

Vous êtes dans la première philosophie du punk, le DIY, le Do It Yourself.
Oui, c'est ça, mais on ne s'est jamais posés la question en fait, c'est venu naturellement. Par exemple, il faut faire des CD, donc circuit-court, qu'est-ce qu'on fait, eh bien on travaille avec Nineteen Something ; au lieu d'avoir un manager on travaille avec un attaché de presse qu'on paye une certaine somme, certes, mais qui fait du très bon travail et on est contents ; pour les t-shirts, on a fait le visuel nous-mêmes, les sérigraphies on les a faites à 15 km d'ici, les clips c'est Josic, le booking c'est JB et moi ; quand il faut conduire le camion c'est Manu ou moi. Pour moi, les priorités ce sont d'avoir un sonorisateur qui te connait, qui sait comment tu travailles, ce qu'il faut mettre comme micro, etc., et il faudrait aussi un éclairagiste qui sait quand part le morceau, quand est-ce qu'il faut mettre du strob, même si pour le moment vu les salles où on joue ce n'est pas utile. Un booker aussi, ce serait bien, plus tard pour le merch. Là, aujourd'hui, ce qu'il nous faudrait c'est surtout quelqu'un qui viendrait pour nous dire "Je conduis le camion, je vends les t-shirts, juste trouvez-moi un lit et à bouffer le midi et le soir", là on serait hyper contents. Sans qualifier cette personne de manager, en fait je ne suis pas fan du terme !

Parlons d'Angers maintenant. "Angers, ville Rock", c'est une ville avec plein de musiciens qui se croisent, se connaissent, jouent les uns avec les autres et sortent des disques, etc. Cela en fait une vraie richesse, une vraie émulation, mais est-ce que justement cette richesse et cette émulation ne représentent pas une façon de s'enfermer dans une bulle. On a ainsi l'impression qu'à force de passer d'un groupe à un autre, ça pourrait freiner un véritable essor, celui du groupe qui doit manger de la vache enragée car il reste seul dans son coin et que pour percer il doit se débrouiller seul. Alors qu'à Angers, finalement, s'il y a un écueil ce n'est pas grave, les musiciens passeront à un autre groupe et du coup aucun groupe ne percera vraiment. En résumé, est-ce que le fait d'être une "ville rock", ce n'est pas à la fois un bien et un mal pour l'envol d'un groupe ?
C'est la première fois qu'on me pose cette question j'avoue, ce n'est pas facile d'y répondre ! Il y a beaucoup de groupes à Angers c'est vrai, mais ce sont des groupes qui tournent quand même. Quoique, il y a aussi des groupes hors du rock pur comme Gondhawa, groupe de psyché, ils ont le vent en poupe, ils vont tourner en Allemagne et en Angleterre, partout... quoique, ils ne sont pas vraiment dans le réseau angevin... Bermud va tourner aussi...

Ce n'est pas seulement tourner, mais durer, aussi ?
Tu vois à Angers on a été très influencés par ce qu'a été Wank for Peace, qui ont eu, dans leur cercle DIY, une aura et un respect mondial, sans être mainstream. On peut aussi parler des Blind Suns qui ont beaucoup tourné en Europe. Mais je te rejoins sur le fait que tout le monde se connaît, tout le monde s'entraide et c'est super, mais...(il hésite -ndlr). Il y a ce noyau, "Angers-village" où tout le monde se connaît, tout le monde fait des groupes ensemble, qui est hyper sain, hyper motivant, mais -et je me pose la question- est-ce que ce noyau-là ne serait pas trop fort, il s'auto-émulerait et empêcherait peut-être un peu de sortir de notre milieu ? Mais je pense qu'il y a quand même beaucoup plus de points positifs que de points négatifs, en tant que groupe en tout cas, ça c'est sûr. Avec Fragile on a que du positif à être entourés comme ça. Mais par contre, on n'a pas envie de jouer à Angers plus d'une fois par an, ou tous les six mois , mais pas plus. Pour nous, le vrai travail est ailleurs : aller jouer à l'autre bout de la France devant 15 personnes, aller jouer à l'étranger. Mais les groupes angevins le savent aussi. Comme je te disais, Bermud va tourner, Tiny Voices va tourner partout aussi... Alors peut-être qu'en effet dans la scène rock angevine il n'y a pas, en ce moment, un seul étendard. Mais cette émulation entraîne aussi la création de plein de petits groupes indés, et ça c'est génial... Mais oui, il n'y a sans doute pas un seul groupe qui soit, entre guillemets, une "référence", comme par exemple MNNQNS à Rouen, les Stuffed Foxes à Tours, Last Train dans l'est, initialement, ou Lysistrata à Saintes/La Rochelle, qui sont vraiment des groupes-phares et qui tournent beaucoup. Nous n'avons pas à Angers ces groupes-là, mais on a l'émulation et les groupes tournent quand même, il y a du monde aux concerts. Et si Angers est toujours reconnu aujourd'hui comme ville rock, c'est justement parce qu'il y a tous ces groupes-là.
Après, on trouve aussi des groupes importants, comme Zenzile, une référence française dans le dub, ça fait trente ans qu'ils jouent et ils remplissent tout le temps les salles. Mais c'est du dub, est-ce que c'est propre au rock ce que tu demandes, je ne sais pas. Et quand Daria (deux de leurs membres jouaient dans LANE avec Félix Sourice et des ex-Thugs -ndlr) vont se remettre à jouer, il y aura du monde. Donc oui, on n'a peut-être pas de groupe mainstream mais on a une scène stimulante, solide, et active.

Les prochains ce seront peut-être Fragile qui tourneront à New-York ! Ce qui me conduit à ma dernière question : qu'est-ce que tu souhaites pour Fragile ?
Nous, ce qu'on aimerait vraiment, c'est jouer dans d'autres pays, et vraiment s'exporter. On fait un style de musique qui est vraiment très anglo-saxon, alors avant d'avoir envie de jouer devant plein de monde, on aimerait déjà jouer devant peut-être moins de monde, mais en Angleterre, Allemagne, États-Unis... nous créer une petite scène et savoir que notre musique peut toucher des gens au-delà des frontières. Et puis, si ça marche, si on signe sur un gros label et qu'on fait plein de premières parties de super groupes, alors banco ! On prend un grand plaisir à faire des premières parties de groupes intéressants, comme Tigers Jaw, Bass Drum Of Death, Birds In Row... On apprend beaucoup à partager des scènes, ça nous sert énormément, et c'est une porte d'entrée pour de plus gros concerts.

Pour conclure, quels ont été les premiers retours ?
On a eu de bonnes critiques du EP, rien de négatif, et celles sur les concerts sont toujours excellentes... ça nous paraît d'ailleurs assez irréel. À titre personnel, je n'aurais jamais imaginé avoir de tels retours, par exemple quand des gens viennent te voir et te disent "Ça me transporte", ou "Ça m'a fait pleurer". Donc tu es hyper heureux, et un peu gêné aussi, "Je suis désolé, je ne voulais pas te faire pleurer" (rires). Evidemment, on se nourrit aussi des retours négatifs... mais il n'y en a pas vraiment eu, juste quelques remarques, qui nous font progresser, plus que les retours positifs en tout cas. Par exemple, on nous a dit qu'on avait été trop sérieux en interview radio. On apprend, on est encore jeunes !