Nicolas Ballet

« Shock Factory – Culture visuelle des musiques industrielles (1969-1995) »

[Presses Du Réel]

Chronique rédigée par Yannick Blay

publiée le mercredi 20 décembre 2023 à 20h07

sorti le vendredi 01 septembre 2023



L’universitaire Nicolas Ballet a planché sur une thèse ayant pour sujet la Culture Visuelle des Musiques Industrielles entre 1969 et 1995. La thèse devient ouvrage et pour ce "Shock Factory" s’ingénie à réaliser une véritable cartographie de ces mouvements de l’underground européens et américains inspirés par la déliquescence physique et psychique de nos sociétés. Pourquoi à partir de 1969 ? Parce que feu-Genesis P.Orridge fut dès cette année-là à l’origine des concepts et formats adoptés plus tard par de nombreux groupes de la scène industrielle, des 70’s à nos jours. Tout cela est mis en évidence par Nicolas de manière très dense, peut-être trop, ce qui peut rendre l’ouvrage, parfois, un peu poussif et confus.
Un moindre mal, car ses divers et nombreux chapitres informent tout de même brillamment sur la nature contre-culturelle de ce courant obsédé par les "déchets post-psychédéliques". Et surtout, sont décortiqués les rapports privilégiés de cette effervescence punko-indus aux Arts visuels tout en démontrant l’influence sur ces artistes industriels des mouvements artistiques (Constructivisme, Dada, Surréalisme, Dali, Bellmer, Austin Osman Spare…) et des concepts et théories divers et variés tels l’inquiétante Etrangeté, le Sidéréaliste versus Sidéral, Debord et le Situationnisme, ou encore celles concernant le contrôle mental exposées par Burroughs et Brion Gysin.

Le grand intérêt de "Shock Factory" est aussi de nous proposer un formidable corps de productions visuelles transgressives, morbido-répulsives et agressives, que ce soit en relatant certaines performances radicales ou en citant par écrit ou en images au travers d’une assez riche iconographie des exemples d’affiches, de pochettes de disques ou K7, de fanzines, de tracts, de collages, de piratages TV, de looks le plus souvent paramilitaires qui ont tous pour point commun un penchant pour les tactiques de choc destinées à stimuler l’esprit de l’individu par l’emploi d’images et de sonorités violentes. Rappelons que selon Throbbing Gristle, "Le public se doit d’être avant tout malmené".

Tous ces groupes, Throbbing Gristle, Cabaret Voltaire, Test Dept., Einstürzende Neubauten, Monte Cazzaza, Étant Donnés, Nurse With Wound, Clock DVA, John Duncan, Nocturnal Emissions, Merzbow, Coil, Die Form, Laibach, Whitehouse, Maurizio Bianchi, j’en passe et des meilleurs, exposaient via leur art une réalité brutale et mettaient en scène la décadence post-industrielle. Ce livre nous plonge donc dans l’Occulture et la Contre-culture chargées d’ambiguïtés idéologiques et politiques et porteuses de sujets touchant entre autres au totalitarisme ou encore à la pornographie. Il offre surtout une impressionnante analyse renouvelée sur les enjeux historiques et culturels des années 70 et 80, un certain appel à la rébellion qui manque quelque peu aujourd’hui. Quand la musique industrielle passe d'un délire esthétique à un enjeu politique.

Bref, vous l’aurez compris, "Shock Factory" est un livre important et essentiel pour tout amateur de musiques de traverse, abrasives, dissidentes et révoltées.


Ce qu'on a aimé
La couverture
Lee choix des documents iconographiques
La profusion d’informations
Le sérieux du travail de recherche
Le côté incontournable pour tout amateur de musiques industrielles
Ce qu'on n'a pas aimé
Le côté peu facile à lire
La profusion d’informations peut paraître indigeste à la longue
PLUS D'INFOS
ÉCOUTEZ
TRACKLISTING


DATES
Sorti le vendredi 01 septembre 2023
Chroniqué le 20 décembre 2023