Et de quatre, si l'on excepte un disque live, un an seulement après un troisième album brillantissime, "Ultra Mono", l'un des tous meilleurs de l'année 2020. Quel trajet en même pas cinq ans ! Après deux albums hargneux à souhait et un troisième moins violent mais tout aussi revendicatif, voici donc "Crawler" et une évolution musicale marquée qui surprendra sans doute bon nombre de fans. Ce disque a été composé pendant le confinement, pendant un virus mondial auquel on s'est vite habitués, formidables êtres humains que nous sommes, alors qu'il y a seulement dix ans il s'agissait encore d'un sujet de films d'anticipation horrifiques. Habitués, mais peut-être pas Joe Talbot, un hyper-sensible inavoué qui libère ses frustrations et ses angoisses via ses textes et la musique de son groupe. C'est ce qui explique sans doute la noirceur extrême de l'album, avec ses guitares tordues jusqu'à la souffrance, cette basse que n'aurait pas renié Joy Division, ou plutôt Warsaw, auxquels on pense souvent -eh oui- tout au long du disque, ses expérimentations sonores à serrer les dents (une voix d'outre-tombe par ici, un saxo destroy par-là) et bien sûr le chant rauque hanté du sieur Talbot. L'urgence est partout, une rage destructrice dégoulinant de chaque note, une rage qui ne doit pas s'arrêter, sous risque d'anéantissement de tout désir de vie, car c'est le principal sentiment qui se dégage de tout cela : nous sommes en permanence sur le fil du rasoir, la vie d'un côté, et la mort de l'autre, le combat ou le suicide, se tenir debout ou s'effondrer... Difficile donc de sortir indemne de ces 14 morceaux sidérants et absolument bouleversants. "I'm all right, I'm feeling magni-fucking-fique" chante Talbot sur "Crawl!" : on aimerait bien le croire car tout démontre le contraire, tel ce "Progress" bruitiste, sans batterie, au désespoir absolu. Idles est le groupe parfait pour 2021, celui qui colle le mieux à la folie destructrice de notre époque, et "Crawler" est son manifeste, ne passez pas à côté.