Ulan Bator, dont le line-up ne cesse de varier au fil des années, est avant tout le projet d’Amaury Cambuzat, français exilé en Italie. Inexplicablement, les albums du groupe de ce sorcier du son persistent à sortir dans l’ombre depuis plus de 20 ans, certes attendus avec une certaine impatience par quelques aficionados, mais ne déchaînant que trop rarement les passions de la critique. Pourtant, Ulan Bator n’a sorti que de bons albums (c’est le onzième, tout de même!), s’écoutant avec délectation, de bout en bout. Abracadabra ne déroge pas à la règle, avec une tendance générale pour la magie, noire de préférence. Le soleil se lève aussi, parfois, mais c’est pour mieux retomber dans la fiesta païenne et nocturne où les démons du krautrock dansent avec les fantômes bluesy des Bad Seeds 80’s pour un rodéo façon Wovenhand, aussi mystique que cafardeux. D’ailleurs, James Johnston, ex-Bad Seeds et torero du farfisesque Gallon Drunk, officie sur l’un des meilleurs titres du disque, « Coeurrida ». Sur l’envoûtant « Ether », on pense également à Fujiya & Miyagi ou à Yann Tiersen quand il a la bonne idée de se frotter à l’électricité rock (sur son EP Palestine, notamment), les chœurs discrets de Rafaella Matrisciano enrobant le tout d’un douillet cocon vaporeux et diéthylique. Malgré des jeux de mots parfois un peu enfantins, le chant en français au phrasé élégant et raffiné se fond parfaitement à la musique (ce qui est assez rare pour être souligné), notamment sur « Evra Kedebra », autre temps fort de ce disque chaudement recommandé.