Le troisième album du duo turc Ductape, "Echo Drama" chez Swiss Dark Nights est une pure merveille de darkwave à la fois moderne est sous haute influence du meilleur des musiques sombres des années 80 ! Sur les huit titres de ce disque parfait, les six premiers sont des classiques instantanés, propres à enflammer les dancefloors dark, tandis que les deux derniers, plus éthérés, sont quasiment dignes des débuts de 4AD ! Les compositions inventives et les mélodies enthousiasmantes sont portées par la voix exceptionnelle de Çağla Güleray, qui évoque principalement celle Jeanette Landray de The Glove -donc une sorte de Siouxsie pop décalée-, qui ravive des souvenirs gothiques sans pour autant verser dans le plagiat ou le cliché, tout comme la musique, à la fois très personnelle et fortement référencée, qui dresse un pont entre 1980 et 2020, et qui est, pour le coup bien plus originale et accrocheuse que celle de leurs compatriotes de She Past Away -avec qui ils ont du reste enregistré un joli duo fin 2024… Vivement les concerts, notamment celui de Nice le 3 mai !

Seconde révélation de l’année en ce qui me concerne pour ce projet aussi étrange qu’envoûtant, "Body Horror" d'Aux Animaux chez Manil Dépression, one-woman band derrière lequel se cache Gözde Düzer, d’origine turque (elle aussi !) mais suédoise d’adoption, qui décrit sa musique comme de la "hauntwave", soit une darkwave hantée, gorgée de sonorités et d’ambiances de films d’épouvante, avec une imagerie très fortement marquée par les films d’horreur indépendants (type "found footage") et l’occultisme le plus extrême. La voix lascive et parfois inquiétante de Gözde se niche au creux de compositions électroniques tout aussi sensuelles que lugubres, à la fois dansantes et enveloppantes. Là aussi, vivement le prochain concert français, à Nice le 11 janvier !

Unique date française de la tournée européenne de Bestial Mouths, trop méconnu projet indus-goth américain mené par l’incroyable Lynette Cerezo -que nous avions interviewée en plein Covid début 2020- à Altherax de Nice le 11 mai 2024 s’annonçait exceptionnel ! Il le fut, déjà simplement parce que la musique de Bestial Mouths ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même, avec ces sonorités déstructurées et abyssales sur lesquelles se pose la voix incroyable de Lynette que l’on pourrait situer entre Lisa Gerrard et Diamanda Galás ! Mais aussi parce que la prestation de la chanteuse fut aussi intense et captivante qu’on pouvait l’imaginer, soutenue par deux jeunes musiciens français (à l’électronique et aux percussions), qui donnent une vraie dimension live aux compositions. Et enfin, parce que le dernier album "R.O.T.T. (inmyskin)", que le trio était venu défendre, est tout simplement formidable de bout en bout !

Entre And Also the Trees et moi, c'est une histoire qui dure depuis 1989 ("Seulement ?!" s’exclameront les autres membres de Prémo !), lorsque je les ai découverts avec l'album "Farewell to the Shade", et le concert que j’ai vu d’eux cette année-là. Alors, même si les derniers albums du groupe ne me procurent plus le frisson originel -en dépit de leurs immenses qualités-, je continue à suivre la carrière exemplaire des frères Jones en achetant chaque disque et en essayant de les voir en live dès que possible. Ce soir-là le 14 novembre 2024 à l'Artplexe Canebière de Marseille, dans le cadre aussi insolite que superbe d'une salle de cinéma, c'était donc un nouveau rendez-vous purement sentimental. Comme à son accoutumée, le groupe fut impeccable, alternant les titres des deux derniers albums avec les classiques inusables -que nous étions forcément venus écouter en priorité... L'intensité de l'interprétation, le son parfait, l'ambiance recueillie et intimiste, ainsi que l'attitude toujours aussi délicieusement fiévreuse de Simon Jones ont contribué à faire de ce concert un nouveau moment d'exception.

Trois ! "MaxXxine" de Ty West, "The Substance" de Coralie Fargeat , "Furiosa – Une saga Mad Max" de Georges Miller, trois films qui m’ont redonné foi dans le cinéma de genre indépendant, à des années lumières des produits hollywoodiens formatés et aseptisés qui squattent les multiplexes. Trois films qui eux aussi -à l’instar de mes albums préférés de 2024- réconcilient l’esprit et le style des œuvres des années 80 (thriller sulfureux pour "Maxxine", horreur organique pour "The Substance", post-apocalyptique pour "Furiosa") avec une technicité et un esprit modernes. Et surtout, trois films qui possèdent chacun un style visuel fort et personnel, qui n’hésitent pas à prendre leur sujet à bras-le-corps et à aller jusqu'au bout sans concessions, et, qui mettent en avant des héroïnes aussi fortes qu’ambivalentes, servies par des actrices fantastiques !

Comme le chantait Death In June : “Nothing changes, it only gets worse”. C’est malheureusement vrai pour la situation politique, sociétale, économique et climatique mondiale… Mais ça n’est heureusement pas vrai pour la musique, le cinéma, la littérature et l’art en général -qui restent des refuges face à la déliquescence généralisée. Avec en ligne de mire pour les mois à venir, un nouvel album d’Actors, un nouvel album de Kompromat, un nouvel album de Je T’aime, un nouvel album de Corpus Delicti, plein de concerts excitants (Aux Animaux, Kompromat, Ductape…) et la promesse d’une nouvelle tournée de The Cure… Sans oublier bien sûr, et surtout, tous ces artistes que l’on ne connait pas encore, toutes ces découvertes qui nous attendent, toutes ces (bonnes) surprises qui vont certainement surgir entre aujourd’hui et décembre 2025 ! Bonne année à toutes et à tous !