& les Chroniques
Express
New Canyons
"Heavy Water"

"Heavy Water"
[Feeltrip]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 30 avril 2021 | Publié le dimanche 7 novembre 2021
POURQUOI | Darkwave
ET ALORS | Il existe des disques auxquels notre adhésion est immédiate et "Heavy Water", le troisième album de New Canyons, fait partie de ceux-là, probablement parce que l’on y décèle une multitude de repères familiers à la première écoute, au moment même où des titres tels que "Post Nothing" et "Spirit 83" envahissent l’espace. Car le son qui est à la fois ample et plombé est fait de très belles guitares empruntées à la dream pop et à la shoegaze, d’une rythmique aux sonorités franchement indus, des synthés récupérés à la new wave et à la darkwave, d’une basse qui ronronne non-stop et qui maintient l’ensemble en l’empêchant de s’écrouler sous le poids de ses propres couches sonores. Avec un chant dont le timbre peut parfois rappeler celui d’Andy McCluskey d’OMD, les références sont multiples et proviennent de toutes les directions à la fois, et ce qui semblait évident au départ se révèle bien plus complexe qu’on ne l’imaginait. Aucun détail n’est laissé au hasard dans une production de cette qualité, où l’on apprécie particulièrement la sensation d’euphorie que procure l’enchainement des chansons façon montagnes russes : ça monte, ça accélère puis ça ralentit ; à peine terminé, on se prépare à y retourner. Une très belle réussite.

Marva Von Theo
"Afterglow"

"Afterglow"
DATES | Sorti le 26 février 2021 | Publié le lundi 7 juin 2021
ET ALORS | Nous avions découvert Marva Von Theo en 2018 avec "Dream Within a Dream", le premier album d’un jeune duo venu d’Athènes, et dont la dark pop impressionnait par l’incroyable justesse de son interprétation et par les choix de ses expérimentations. Trois ans plus tard, l’alchimie des compositions électroniques de Theo Foinidis et le lyrisme de Marva Voulgari confine à la perfection sur "Afterglow". Il faut reconnaître que la chanteuse possède une voix charnue et sensuelle, d’une précision telle que son chant si vivant nous donne l’impression de voir danser avec beaucoup de grâce les notes de sa partition. On pense naturellement à Bel Canto et à Pocket Knife Army pour la formule mixte, le timbre de la voix, ainsi qu’un certain penchant pour la prise de risque. Mais les comparaisons s’arrêtent là, car ici chaque titre dévoile la puissance mélodique et le savoir-faire unique d’un groupe pour lequel tout est devenu possible avec ce second disque intelligent et intemporel, à la réalisation minutieuse et remarquable. D’ailleurs, "Afterglow" aurait aussi bien pu être enregistré il y a quinze ans ou bien dans vingt, car sa réussite repose en très grande partie sur une qualité fondamentale : le talent.

Foretaste
"Happy End!"

"Happy End!"
DATES | Sorti le 29 janvier 2021 | Publié le lundi 19 avril 2021
ET ALORS | Cinq ans après son impeccable "Space Echoes" enregistré la tête dans les étoiles, Foretaste pose les pieds sur terre avec un sixième album dont le track-listing compose une phrase (à condition d’y placer judicieusement la ponctuation), et nous promet une fin heureuse, même si la pochette de "Happy End!" suggère, non sans malice, une issue bien différente. Et question contraste, le duo a cette fois-ci fait le pari d’un son plus brut et plus expérimental, orchestré par des motifs rythmiques plus chaotiques qu’à l’ordinaire, renforcé par une palette sonore moins lisse que sur ses productions précédentes, qui confèrent un relief inédit à ses compositions de pop électronique. Car c’est bien de pop dont il s’agit avant tout ici : gorgée des refrains imparables qui font la force des Français, et portée par une quantité de sons qui clignotent de toutes parts. À mi-parcours, "Robotic Blues" qui renvoie la politesse du "So Sorry" de Dekad constitue la surprise de ce voyage vers la fin du monde, avant de laisser la place à trois tubes supplémentaires introduits par "Bored To Death", dédicace au label qui accueille fidèlement le groupe depuis ses débuts. Mais pourquoi diable l’histoire devrait-elle se terminer ?

Tenderlash
"Hold Still"

"Hold Still"
DATES | Sorti le 4 janvier 2021 | Publié le lundi 5 avril 2021
ET ALORS | Rien n’y fait, même après quinze écoutes, les deux premiers titres de ce court album me semblent incongrus. Mais peu importe, ce sont aux sept autres qu’il faut s’intéresser, car ils méritent largement que l’on s’y attarde. Dès "Fate", le ton est donné, Candy Durant sera notre hôte et sa synthwave plutôt dark nous drapera d’un voile presque érotique tant elle parvient à s’emparer rapidement de nos sens. Sa voix est littéralement envoûtante, l’ambiance est intrigante, évolutive, riche, on est bercés par les sonorités électroniques soignées et entêtantes que distille brillamment l’artiste seule aux commandes de ce projet. Avec "Hold Still" le rythme s’accélère, mais l’on reste dans un univers cotonneux que l’on aimerait ne jamais quitter, "Cold Outside" nous enlace, puis "Misery Loves Fantasy" nous transporte et les images deviennent étranges avec ce qui pourrait sonner comme la BO d’un épisode de "American Horror Story". Plus loin, on rêve que l’hypnotisant "Mourning at Midnight" ne s’arrête jamais, avant que "Snow Moon" nous ensorcelle et qu’"Open Your Eyes" nous oblige finalement à rouvrir les yeux. Le projet a été initié en 2013 et mis de côté jusqu’à 2020, date à laquelle il a été ressuscité, pour notre plus grand plaisir.

Onoda
"Land/Islands"

"Land/Islands"
DATES | Sorti le 9 octobre 2020 | Publié le jeudi 26 novembre 2020
ET ALORS | Quelle claque ! "Land/Islands" est le tout premier album du groupe français Onoda, et pourtant, il fait déjà preuve d’une audacieuse maturité. Et de la maturité, il en aura fallu pour laisser ces cinq longs morceaux de six à dix minutes chacun progresser à un rythme tout autant serein que martial. Quitte à doubler le nombre de mesures afin d’atteindre un idéal sonique époustouflant soutenu par des boucles répétitives et emmené par une rythmique qui vrombit comme le moteur d’une mécanique qu’il faudrait sans cesse alimenter. Passées leurs intros inquiétantes et tendues, les chansons montent en puissance, mues par une batterie intraitable et des boucles qui tournent, retournent et permettent aux refrains de s’introduire dans la tête jusqu’à l’ivresse. On pense à une version noisy pop aux accents krautrock du "Data Mirage Tangram" des Young Gods, avec cette idée commune du travail sur le son au coeur même des compositions, pour un résultat extrêmement dense et d’une richesse incroyable. Une telle réussite n’arrive pas par accident : il y a forcément une sacrée dose de talent là-dessous.

House of Harm
"Vicious Pastimes"

"Vicious Pastimes"
DATES | Sorti le 4 septembre 2020 | Publié le mardi 24 novembre 2020
POURQUOI | Pochette
ET ALORS | On est tout de suite tombé sous le charme de la new wave de House of Harm. Le premier contact a évidemment eu lieu avec la pochette et ces trois silhouettes monochromes et floues, hommage forcément intentionnel au "Pornography" de The Cure. La référence à leurs grands-parents britanniques ne s'arrête pas là tant la formation originaire de Boston s'amuse à piocher ça et là sons et mélodies qui ne sont pas sans rappeler celles de Robert Smith, les clochettes de "Coming of Age", la rythmique et la basse du démarrage de "Against the Night", ou encore la petite mélodie de guitare de "Catch". Mais ces clins d'oeil ne sont que des repères rassurants et amusants et n'entachent en rien la construction des compositions, pas plus que leur originalité. Celles-ci s'avèrent en effet bourrées d'intelligence et fichtrement efficaces. Les synthés, guitares, et rythmiques puisent allègrement dans le genre sans finalement ne plagier aucun groupe particulier, on ne pense d'ailleurs jamais vraiment à The Cure, d'autant que la voix de Michael Rocheford, si elle aussi suit les codes du genre, s'impose et contribue à entériner l'identité propre du groupe. 35 minutes trop courtes qui incitent à écouter encore et encore le disque.

Korine
"The Night We Raise"

"The Night We Raise"
DATES | Sorti le 4 septembre 2020 | Publié le mercredi 28 octobre 2020
POURQUOI | Le nom
ET ALORS | Ce qui a toujours été un peu dérangeant avec la synth-pop, ce sont ces voix de poseurs et leurs ballades souvent un peu pesantes ; ce qui distingue la musique pour dancefloor de la nôtre, c’est son manque d’humanité ; ce qui nous met mal à l’aise avec la new wave de 2020, c’est son absence d’originalité ; ce qui nous lasse avec les jeunes formations électroniques, c’est la monotonie de leurs productions.
Mais ce qui nous fait adorer Korine et son second album "The Night We Raise" c’est que le disque de ce duo de Philadelphie est à la fois sans prétention et d’une intelligence époustouflante. Huit titres, pour trente-deux minutes, d’une synth-pop, aux accents new wave, orientée pour les dancefloors. Mais d’une variété, d’une originalité et d’une humanité sans faille. On est ému par la profondeur et la richesse de cette production que l’on peut écouter en boucle sans jamais se lasser. Un bijou d’une insolence inouïe.

SPC ECO
"6LP June LP"

"6LP June LP"
[eLab]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 1er juin 2020 | Publié le jeudi 6 août 2020
ET ALORS | Le projet est depuis le début de l’année extrêmement ambitieux, à savoir réussir à publier une collection de nouveaux titres le premier jour de chaque mois. Avec tout d’abord un titre de dix minutes en janvier, puis un nouvel EP d’au moins quatre titres les mois suivants, jamais nous n’aurions imaginé qu’après cinq livraisons déjà très riches, SPC ECO passerait la vitesse supérieure pour nous offrir un album complet au début du mois de juin. Fidèle à son habitude, Rose murmure ses secrets du bout des lèvres avec cette voix inimitable, parfois noyée sous des tonnes de guitares ou d’effets ("Take What You Need", "Touch Your Skin"), parfois en lévitation sur une dream pop aérienne ("Lost Alone"), quand elle n’est pas piégée dans un labyrinthe expérimental ("Where You Fall"). Avec onze albums et deux fois plus de singles ou d’EPs en onze ans, SPC ECO prouve à ceux qui en doutaient encore qu’il n’est pas un simple side-project pour tuer le temps. Et le plus beau dans tout ça, c’est que les offrandes continuent au rythme annoncé, avec un nouvel EP sorti le 1er juillet dernier.

eNiB
"Cut"

"Cut"
DATES | Sorti le 13 avril 2020 | Publié le vendredi 31 juillet 2020
ET ALORS | eNiB n’est peut-être au final qu’une anomalie spatio-temporelle. Spatiale parce que le groupe, originaire d’Italie, précisément de Rome, vient de sortir son premier album sur le label Wave Records basé quant à lui de l’autre côté de la planète, à São Paulo au Brésil. Temporelle parce que chacune des compositions de "Cut" s’ancre dans trois périodes essentielles : l’EBM du milieu des années 80 avec des sonorités parfois presqu’industrielles, la synthpop de la fin des années 90 avec cette très belle voix au charme étonnant (on pense à Wolfsheim), et en 2020 pour ces sonorités plus fines qui ne font aucun doute, c’est bien à notre époque que cet album peut prendre tout son sens. Si l’on ajoute à cela un don pour les mélodies véritablement bluffant (comment résister à "Lost", "No Way Out" ou "Intruder"), et une passion pour le cinéma français des années 60 (la vidéo de "Lost" construite sur le film “Les Yeux sans visage” de Georges Franju), eNiB s’avère extrêmement subtil et aussi fascinant qu’un épisode de la série allemande "Dark" : aux croisementx de l’espace et du temps.

Sex Swing
"Type II"

"Type II"
DATES | | Publié le lundi 1 juin 2020
ET ALORS | Après un EP six titres paru fin 2016 dont nous ne ouîmes aucun écho, Sex Swing vient de sortir son premier album (sept titres, on change de catégorie), "Type II", et quel album ! Celui-ci est à l'image de la pochette et de la vidéo du single "The Passover" : malsain, morbide, avec tous les ingrédients propres à ravir tout ce que la musique compte de teigneux et de frustrés de tous âges. On pense aux Swans ou aux premiers Coil par le côté possédé, hypnotique et lancinant de la musique, ou plus près de nous à Pop. 1280 ou The Skull Defekts pour la hargne et la violence latente qui se dégagent de l'ensemble. Si vous aimez les saxos hurleurs, les synthés glacials, les basses énormes, les guitares tranchantes et le chant d'outre-tombe, vous serez ravis. Sex Swing vient d'Angleterre et deux de leurs quatre membres ont survécu l'un à un accident d'avion, l'autre à la foudre, c'est dire s'ils sont inspirés.

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