& les Chroniques
Express
Bank Myna
"Volaverunt"

"Volaverunt"
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 25 février 2022 | Publié le jeudi 7 avril 2022
ET ALORS | Un album qui paraît simultanément sur cinq labels différents, en voilà situation inédite et réservée à "Volaverunt", le premier album de la formation française Bank Myna, dont le nom est celui, en anglais, d’un oiseau : le Martin des berges. Dès lors, il n’est pas étonnant de découvrir un chant féminin et franchement assuré, qui s’élève gracieusement au dessus des déchaînements orchestrés de "Volaverunt", sur ce post-rock tour à tour expérimental, sacré puis mécanique. Mystérieuse et puissante, la musique de Bank Myna possède un avantage irrésistible : cette voix dont l’apparente fragilité rivalise avec la pression de ce monolithe de cinq titres enchaînés qui composent un disque fascinant, encadré par l’interventions de cloches qui sonnent au début et à la fin, suggérant le passage d’un rite initiatique. Les intonations et le timbre de Maud Harribey font penser ici ou là à ceux de Lisa Gerrard, entrainés par une basse qui laboure tout sur son passage. Mariant avec audace dream pop, drone et post-rock expérimental, "Volaverunt" se révèle être un disque mystérieux et vraiment à part, d’une élégance et d’une puissance rares, pour lequel il fallait bien les efforts conjugués de cinq labels pour briller dans toute sa splendeur.

Hackedepicciotto
"The Silver Threshold"

"The Silver Threshold"
[Mute]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 12 novembre 2021 | Publié le lundi 21 février 2022
ET ALORS | "The Silver Threshold" est le quatrième album de Danielle de Picciotto et d’Alexander Hacke, le bassiste et pilier d’Einstürzende Neubauten. Commencé en 2017, le projet officiel du couple mêle habilement les spoken words et le violon de l’artiste américaine, au jeu de basse et aux expérimentations noisy de son partenaire allemand. Et la somme de leurs talents réunis va bien évidemment au delà de cette simple et triviale addition, le savoir-faire résultant confinant à la magie. Car c’est bien un univers parallèle, magique et intemporel que nous visitons en franchissant ce seuil d’argent, passage obligé pour un voyage dans des mondes habités et hantés. Danielle de Picciotto y récite ce qui ressemble à des formules invoquant des sorts provenant de quelqu'antiques grimoires, et voilà que des ritournelles médiévales interprétées à la vielle se retrouvent tout à coup propulsées en pleine ère industrielle. Le seuil qui donne son nom au disque semble connecter différents endroits et différentes époques, comme cette "Ouverture" qui fait cohabiter une scène bucolique et des hauts-fourneaux, ou encore les bourrasques d’"Evermore" qui enchainent avec le râle tellurique de "Babel". Un disque enivrant, troublant et sacrément envoûtant.

Rhys Fulber
"Brutal Nature"

"Brutal Nature"
DATES | Sorti le 26 novembre 2021 | Publié le mardi 1 février 2022
ET ALORS | Il n’est plus vraiment nécessaire de présenter Rhys Fulber, car même si le musicien ne publie des disques sous son propre nom que depuis à peine cinq ans, cela en fait plus de trente qu’il ré-invente le son de Front Line Assembly et de ses multiples side-projects album après album. Son projet solo Conjure One entre parenthèse depuis 2015, le Canadien a sorti fin novembre son troisième album solo d’industrial techno d’un genre forcément nouveau : "Brutal Nature". Un déménagement loin de L.A. et un studio réduit l'ont conduit à enregistrer un disque plus intime que ses deux précédents, plus varié et plus méditatif, hormis l’anxiogène dernier titre réalisé en compagnie de Sarah Taylor (Youth Code) qui vient perturber un voyage dont la dynamique semblait parfaite depuis le début du programme. Ce "Brutal Nature" dont le titre exprime très justement une dualité rare, que l’on peut d’ailleurs ressentir dans cette alternance de rythmiques façon coup-de-poing et de passages ambient à la chaleur communicative, est une oeuvre bien plus complexe qu’aucune autre, truffées d’excellentes surprises et dont la richesse est essentiellement due à un savoir-faire et une finesse d’exécution exceptionnels. Un très beau disque à ne surtout pas manquer.

We.The Pigs
"We.The Pigs"

"We.The Pigs"
DATES | Sorti le 26 novembre 2021 | Publié le lundi 24 janvier 2022
ET ALORS | Le premier album des Suédois de We.The Pigs est l’excellente surprise de la fin d’année dernière. Ce quintette originaire de Stockholm n’avait jusqu’ici enregistré que deux discrets singles, mais la sortie de "We.The Pigs" devrait changer la donne en ce qui concerne leur exposition au monde. Les chansons y sont efficaces et robustes, les influences sont héritées de l’indie rock à tendance noisy, shoegaze ou purement pop des 90s. Portés par un chant féminin aérien, We.The Pigs rejoint cette famille de jeunes talents que nous aimons et qui ne refusent pas quelques larsens lorsque l’occasion se présente ; on pense à Manon Meurt, à Pinkshinyultrablast, à Blankenberge ou encore à Be Forest, des formations qui ont essaimé dans toute l’Europe et dont la qualité des productions n’a rien à envier à celles qui créaient la sensation en Angleterre il y a plus de trente ans. Avec ce premier album pop, audacieux et bluffant, We.The Pigs, le pied sur les pédales d’effets, passe ce mur du son que nous adorons tant franchir avec ou sans casque, et délivre ici une sacrée collection cohérente et enivrante de chansons que l’on a envie de continuer de fredonner pendant longtemps. Reste tout de même un point qu’il faudra éclaircir : pourquoi ce drôle de nom ?

New Canyons
"Heavy Water"

"Heavy Water"
[Feeltrip]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 30 avril 2021 | Publié le dimanche 7 novembre 2021
POURQUOI | Darkwave
ET ALORS | Il existe des disques auxquels notre adhésion est immédiate et "Heavy Water", le troisième album de New Canyons, fait partie de ceux-là, probablement parce que l’on y décèle une multitude de repères familiers à la première écoute, au moment même où des titres tels que "Post Nothing" et "Spirit 83" envahissent l’espace. Car le son qui est à la fois ample et plombé est fait de très belles guitares empruntées à la dream pop et à la shoegaze, d’une rythmique aux sonorités franchement indus, des synthés récupérés à la new wave et à la darkwave, d’une basse qui ronronne non-stop et qui maintient l’ensemble en l’empêchant de s’écrouler sous le poids de ses propres couches sonores. Avec un chant dont le timbre peut parfois rappeler celui d’Andy McCluskey d’OMD, les références sont multiples et proviennent de toutes les directions à la fois, et ce qui semblait évident au départ se révèle bien plus complexe qu’on ne l’imaginait. Aucun détail n’est laissé au hasard dans une production de cette qualité, où l’on apprécie particulièrement la sensation d’euphorie que procure l’enchainement des chansons façon montagnes russes : ça monte, ça accélère puis ça ralentit ; à peine terminé, on se prépare à y retourner. Une très belle réussite.

Emily Wolfe
"Outlier"

"Outlier"
DATES | Sorti le 2 juillet 2021 | Publié le lundi 18 octobre 2021
ET ALORS | Il y a des disques que l’on se surprend à écouter en boucle. "Outlier", le troisième album d’Emily Wolfe fait partie de ces collections de chansons dont il est impossible de se défaire dès lors qu’on y a glissé très attentivement ses deux oreilles. Basée à Austin au Texas, multi-instrumentaliste et guitariste d’exception primée par le fabricant Gibson qui lui a récemment créé un modèle unique, la chanteuse a ajouté la juste dose d’électronique nécessaire à son blues rock d’origine pour fabriquer des tubes qui devraient figurer au programme de toute radio pop rock qui se respecte. Mélodiste talentueuse, l’Américaine réalise un sans faute de qualité depuis "No Man", jusqu’à "Heavenly Hell", où chaque titre pourrait recevoir le statut de single de la semaine. Produit par Michal Shuman de Queens of the Stone Age, le disque mise sur les refrains imparables plutôt que sur la démonstration de savoir-faire technique que l’on pourrait attendre de la part d’une virtuose de la six cordes. Et l’on a alors envie de rapprocher "Outlier" d’autres productions de caractère comme le dernier Cherry Glazerr. On vous recommande de vous y abandonner sans aucune retenue, et l’on vous prévient également de l’addiction qui s’en suivra.

White Canyon and The 5th Dimension
"Spectral Illusion"

"Spectral Illusion"
[Necio]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 2 avril 2021 | Publié le vendredi 6 août 2021
ET ALORS | Inutile d’y aller par quatre chemins : "Spectral Illusion", le très addictif second album de White Canyon and The 5th Dimension est un authentique album de guitares, tour à tour domptées et douces, puis sauvages et rugueuses, qui serpentent sur le sinueux chemin du rock psychédélique et du post punk minimal que le groupe s’est choisi. C’est un album qui se faufile entre mystère et mystique, qui parle de légendes et de l’au-delà, de fantômes, de spectres et de serpent qui se mord la queue, et dont la pochette illustre à merveille le propos. Dans cette brume orchestrée par les guitares nerveuses et les cymbales d’une batterie bestiale, l’on croit reconnaître la voix de Jim Reid sur une obscure face B compilée sur le "Barbed Wire Kissed" de The Jesus and Mary Chain. Mais "Spectral Illusion" sait être autre chose de plus sournois, de plus inquiétant et de plus perçant aussi, grâce à cette rythmique qui semble se caler sur le souffle court d’un animal nocturne en chasse, comme sur le magnifique "Endless Sea" de neuf minutes. Organique, impulsive et instinctive, telle est la musique de ce duo brésilien mixte extrêmement discret mais diablement efficace, capables de produire un disque surprenant, si mystérieux, lancinant et enivrant.

Thee Hyphen
"Incidental Tools of Confusion"

"Incidental Tools of Confusion"
DATES | Sorti le 26 juin 2021 | Publié le mercredi 28 juillet 2021
ET ALORS | L’histoire discrète cet album, le tout premier de Thee Hyphen, projet pré-Celluloide, vire carrément à la saga avec la sortie de cette version entièrement remasterisée. Pour d’obscures raisons, le disque fut inconsciemment sabordé par l’ajout d’effets métalliques malheureux sur le chant lors de sa sortie confidentielle en 1994. Il serait d’ailleurs probablement resté méconnu si les bandes originales n’avaient pas refait surface l’an dernier. Et c’est un retour vers le futur que tente aujourd’hui l’album qui sonne plus contemporain que jamais, après un nettoyage en règle assorti de nouveaux mixage et mastering. Et parce qu’on y entend de belles machines analogiques tourner à plein régime, parce que le chant s’est clairement humanisé avec des harmonies uniques, parce que chaque son est placé avec la précision d’un orfèvre, et enfin parce qu’on y retrouve une version si élégante de la ritournelle la plus entêtante de Celluloide en intro de "This Aching Kiss", on réalise soudain qu’avec cette version 2.0, Thee Hyphen s’offre un bond dans le présent, auquel appartient sans l’ombre d’un doute sa solide dark pop électronique sans concession, passionnée et flamboyante. Vous l’avez manqué à l’époque ? Ne ratez surtout pas sa mise à jour !

Gnome & Spybey
"The Seventh Seal"

"The Seventh Seal"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 7 avril 2021 | Publié le vendredi 16 juillet 2021
ET ALORS | Pour un peu, nous passions à côté du septième album de Gnome & Spybey, sorti début avril, "The Seventh Seal". Le disque crée la surprise puisqu’il s’agit du premier album que le duo réalise avec autant de vocaux au premier plan. Parler de chansons serait cependant un raccourci trop rapide, un amalgame un poil osé, pour ce qui relève plutôt du spoken words assez proche des travaux de Coil période "Astral Disaster" et "Musick to Play in the Dark". On découvre alors que le timbre de Mark Spybey est ici très proche de celui de John Balance, une bénédiction qui ne gâche rien à l’affaire, et ses paroles fantomatiques, comme capturées entre deux mondes et pour la première fois propulsées au premier plan, installent une dualité et un réconfort, dans cet océan d’ambient électronique un rien angoissante. Rarement au sein de ses autres projets Beehatch, Dead Voices on Air ou plus récemment en compagnie d’Anatoly Grinberg, Mark Spybey ne nous avait semblé aussi accessible : c’est une première tellement réussie que l’on en redemande déjà.

Lisa Gerrard & Jules Maxwell
"Burn"

"Burn"
DATES | sorti le 7 mai 2021 | Publié le lundi 12 juillet 2021
ET ALORS | La pochette pourrait faire penser à celle de la bande originale d’un documentaire animalier ou d’un film, un exercice auquel Lisa Gerrard se plie régulièrement depuis plus de vingt ans, il n’y a cependant pas de connexion au septième art ici. "Burn" est bel et bien le nouvel album studio de Lisa Gerrard, cette fois épaulée par le compositeur Jules Maxwell, également claviériste de de Dead Can Dance en live. Ce nouveau disque rappelle justement le groupe avec son brassage occasionnel de voix, féminine et masculine, Jules Maxwell remplaçant honorablement Brendan Perry à ce poste. Trois ans après "Dionysus", disque franchement raté auquel la chanteuse s’était associée à contre-coeur, "Burn" est une très belle revanche. Électronica et world music se mêlent avec extrême justesse, le disque s’affirme au fil des écoutes clairement plus accessible que les précédents opus de l’Australienne, trop souvent versés dans le sacré. Si la moitié des chansons possède malgré tout cette emphase propre aux génériques de fin, les mélodies sont bien plus aériennes que plombées, et avec ses belles percussions, "Burn" est sans conteste l’album le plus chaleureux et le plus lumineux de la discographie de Lisa Gerrard. À ne surtout pas manquer.

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