& les Chroniques
Express
Front Line Assembly
"Mechanical Soul"

"Mechanical Soul"
DATES | Sorti le 15 janvier 2021 | Publié le dimanche 28 mars 2021
ET ALORS | Deux mois seulement ont séparé son annonce et sa sortie, et l’on comprend l’urgence car qui mieux que Front Line Assembly sait chanter la pandémie, la désolation et la fin du monde ? Mais c'est surtout dans sa conception que "Mechanical Soul" intrigue : Rhys Fulber reconnaît avoir accumulé énormément de matériel solo depuis ses débuts techno en 2017, et admet volontiers avoir pioché dans cette réserve pour donner corps à cet opus, pourtant enregistré à deux. Cela s'entend effectivement sur chaque morceau qui sonne comme ses productions personnelles, avec en sus la marque de fabrique du groupe reconnaissable entre mille : les vocaux de Bill Leeb calés au millimètre. Les morceaux s’enchaînent et percutent comme cet extraordinaire "Unknown" qui présente quelques similitudes avec "Shifting Through the Lens" sur "I.E.D", ou "Komm, Stirbt Mit Mir" qui rappellera à bien des égards "Schicksal" sur "Civilization". Un magnifique tour de passe-passe transforme le "Future Fail" avec Jean-Luc de Meyer sur "Artificial Soldier" en un "Barbarians" peut-être ralenti, mais à la puissance de frappe décuplée. Avec un nouveau Noise Unit également dans la course, on se dit que l'on va réussir à tenir bon en 2021.

RiLF
"My Beloved Farewell"

"My Beloved Farewell"
DATES | Sorti le 2 octobre 2020 | Publié le lundi 14 décembre 2020
ET ALORS | Il arrive qu’un seul coup d’oeil à la pochette d’un disque en dévoile avec justesse le contenu. "My
Beloved Farewell", le nouvel album de RiLF est de ceux-là. Ce groupe japonais est composé de membres des formations Anoice et Matryoshka : la première est orientée musique instrumentale et néo classique, lorsque la seconde s’adonne à une electronica sur laquelle vient délicatement se poser un chant féminin fragile. L’accord au sein de RiLF est parfait, et les chansons qui prennent ainsi vie s’envolent avec beaucoup de grâce dans un ciel nuageux mais apaisant, proposant une poésie d’une beauté inouïe qui s’inspire de la pop d’avant-garde européenne pour la sublimer par ce petit quelque chose venu d’ailleurs. Nous retrouvons les influences de Sigur Ròs période "Untitled" et "Takk" au service de l’allégresse de "Soraninaru", de l’électronica mélancolique d’"Isolation", des onze minutes de "Someday We Will Find" et sa fin digne d’un feu d’artifice, ou encore de la douce euphorie de "Release You" qui conclut un album dont on ne se lasse pas une seule seconde. S’il n’est que le second disque en dix ans de ce collectif, c’est à coup sûr un chef-d’oeuvre de dream pop à la sensibilité toute japonaise à côté duquel il ne faut pas passer cet hiver.

Schrödinger
"Last Days on Earth"

"Last Days on Earth"
DATES | Sorti le 31 octobre 2020 | Publié le jeudi 3 décembre 2020
ET ALORS | Réaliser une cartographie mondiale de la scène post-punk actuelle mettrait en avant des zones géographiques qui, en 2020, seraient bien différentes de ce qu'elles étaient dans les années 1980. C'est dorénavant à Vinius, Moscou, Boston, Los Angeles ou Mexico que des scènes émergent et que le son se sculpte et non plus à Leeds, Manchester, Nice ou Paris. Et cette toute jeune génération puise sans gêne dans l'espace et le temps sans tenir compte des frontières ni de l'importance qu'ont pu avoir, qu'ont, ces groupes qui font l'essentiel de leurs références. Schrödinger et son album "Last Days on Earth" sont un exemple de plus de la façon dont les choses s'entremêlent entre passé, présent, et les différentes régions du globe. Le groupe, de Mexico, a signé pour son premier album sur le label Suisse Swiss Dark Nights et offre avec ce disque une immersion déroutante dans la touching pop comme seule la France a été capable de produire en son temps. Si Little Nemo s'était installé au Mexique il y a 30 ans, c'est peut-être de cette façon qu'il sonnerait aujourd'hui : rafraîchi, brillant, assuré, assumé, mélodique et intemporel, parce que ce ne sont pas les fantômes de Little Nemo que l'on voit planer ici mais tout simplement leurs doubles.

House of Harm
"Vicious Pastimes"

"Vicious Pastimes"
DATES | Sorti le 4 septembre 2020 | Publié le mardi 24 novembre 2020
POURQUOI | Pochette
ET ALORS | On est tout de suite tombé sous le charme de la new wave de House of Harm. Le premier contact a évidemment eu lieu avec la pochette et ces trois silhouettes monochromes et floues, hommage forcément intentionnel au "Pornography" de The Cure. La référence à leurs grands-parents britanniques ne s'arrête pas là tant la formation originaire de Boston s'amuse à piocher ça et là sons et mélodies qui ne sont pas sans rappeler celles de Robert Smith, les clochettes de "Coming of Age", la rythmique et la basse du démarrage de "Against the Night", ou encore la petite mélodie de guitare de "Catch". Mais ces clins d'oeil ne sont que des repères rassurants et amusants et n'entachent en rien la construction des compositions, pas plus que leur originalité. Celles-ci s'avèrent en effet bourrées d'intelligence et fichtrement efficaces. Les synthés, guitares, et rythmiques puisent allègrement dans le genre sans finalement ne plagier aucun groupe particulier, on ne pense d'ailleurs jamais vraiment à The Cure, d'autant que la voix de Michael Rocheford, si elle aussi suit les codes du genre, s'impose et contribue à entériner l'identité propre du groupe. 35 minutes trop courtes qui incitent à écouter encore et encore le disque.

Betsch
"La Traversée"

"La Traversée"
DATES | Sorti le 24 avril 2020 | Publié le vendredi 6 novembre 2020
ET ALORS | Est-ce qu’on peut être ému, sincèrement, par les histoires que raconte un autre ? Est-ce qu’on peut être touché, profondément, par des mots, comme lorsqu'ado nous écoutions dans l'obscurité "Pornography" de The Cure, "A New Form of Beauty" de Virgin Prunes ou "Low Life" de New Order ? Bertrand Betsch nous démontre avec son nouvel album, "La Traversée", que cette possibilité de transmission perdure, quel que soit notre âge, quelle que soit notre vie, que l'artiste peut à partir de quelques mots, à partir d’une "simple" chanson entrer en résonance avec nous et notre propre histoire. "On n’est pas toujours gentil, on est parfois mauvais garçon" ("À la Nage"), "C’est un regard c’est un baiser, à la dérobée, c’est presque rien, mais ça fait du bien", ("À la dérobée"), "À la fin, il y a toujours un matin, à la fin ce qu’on est, on le devient" ("À la fin") ou encore "Et même si l’on meurt, après bien des malheurs, on aura eu du bonheur" ("Le Bonheur"). Comme La Variété en son temps, Erik Arnaud, Mendelson ou Daniel Darc, comme tous ces poètes sagement tapis dans l’ombre de Dominique A, Bertrand Betsch sublime la mélancolie, la tristesse… la vie.

Clan of Xymox
"Spider on the Wall"

"Spider on the Wall"
DATES | Sorti le 24 juillet 2020 | Publié le lundi 2 novembre 2020
POURQUOI | Clan of Xymox
ET ALORS | Et si l'on organisait un jeu ? Un grand blind test ? Où l'on tenterait de trouver le titre, l’année de sortie, et le nom de l’album sur lequel figure la chanson ? Mais l'originalité serait de s'intéresser exclusivement aux 200 chansons que Clan of Xymox a sorties depuis 1983. Et ce qui serait drôle, ce serait d’y jouer avec le chanteur et fondateur du groupe, Ronny Morrings lui-même. Ronny ? Ça te dit quelque-chose ? Tu en penses quoi ? "Michelle" ? Ok. "Louise" ? Très bien. "A Day" ? Bravo. "Stranger" ? Facile. "Muscoviet Mosquito" ? "This World", parfait. Ha. Mais celui là. Ceux-là ? Tous ceux-là ? Non ? Tu ne vois pas ? Nous non plus... Depuis les deux premiers albums du groupe, magnifiques, historiques (en occultant l’incartade du début des années 90 avec deux ou trois disques totalement incongrus à la sauce mancunienne), la musique de Clan of Xymox n’est depuis qu’un bloc, un monolithe, gigantesque et sans aucune aspérité. Seuls quelques clichés sortis d’un champs lexical très limité font parfois la différence, ici ce sera "She", "Lovers" ou "I Don't Like Myself", mais "Spider on the Wall" ne restera qu’un disque de plus du groupe, ni meilleur ni moins bon qu’un des seize précédents.

Lamia Vox
"Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer"

"Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer"
DATES | Sorti le 1 aout 2020 | Publié le vendredi 30 octobre 2020
ET ALORS | "Alles Ist Ufer. Ewig Ruft Das Meer" ("Tout est Rivage. La Mer appelle pour toujours"), le quatrième album de Lamia Vox, de son vrai nom Alina Antonova, s'écoute obligatoirement en fermant les yeux. Votre subconscient vagabond vous chuchotera alors en un éclair que si Lisa Gerrard avait décidé, en 1998, de s’associer au duo Suédois Arditi plutôt qu’à l’Australien Pieter Bourke, l'album "Duality" que la chanteuse de Dead Can Dance sortit cette année-là aurait furieusement ressemblé au nouvel album de l’artiste tchèque dont il est question ici. Les rythmes martiaux s'invitent dans des compositions néo-classiques faites de sons de cors, de santour et de nappes inquiétantes, pour un résultat qui emprunte les chemins de procession de la dark ambient, de la musique rituelle et du chant éthéré. Jamais répétitif, à la fois solennel et très beau, le disque libère ses incantations titre après titre tout au long d’une cérémonie digne. Une très belle réussite.

Korine
"The Night We Raise"

"The Night We Raise"
DATES | Sorti le 4 septembre 2020 | Publié le mercredi 28 octobre 2020
POURQUOI | Le nom
ET ALORS | Ce qui a toujours été un peu dérangeant avec la synth-pop, ce sont ces voix de poseurs et leurs ballades souvent un peu pesantes ; ce qui distingue la musique pour dancefloor de la nôtre, c’est son manque d’humanité ; ce qui nous met mal à l’aise avec la new wave de 2020, c’est son absence d’originalité ; ce qui nous lasse avec les jeunes formations électroniques, c’est la monotonie de leurs productions.
Mais ce qui nous fait adorer Korine et son second album "The Night We Raise" c’est que le disque de ce duo de Philadelphie est à la fois sans prétention et d’une intelligence époustouflante. Huit titres, pour trente-deux minutes, d’une synth-pop, aux accents new wave, orientée pour les dancefloors. Mais d’une variété, d’une originalité et d’une humanité sans faille. On est ému par la profondeur et la richesse de cette production que l’on peut écouter en boucle sans jamais se lasser. Un bijou d’une insolence inouïe.

Nation of Language
"Introduction, Presence"

"Introduction, Presence"
DATES | Sorti le 22 mai 2020 | Publié le mercredi 5 août 2020
ET ALORS | Déjà : quelle voix. Assurée, maniérée, si charmeuse avec sa diction soignée… on sent l’ombre de Lloyd Cole, de Morrissey ou encore Dave Gahan, celle de ces dandys qui rassurent et sont capables de nous entraîner au bout du monde. Mais autour de Ian Devaney, il y a aussi une succession de mélodies et des morceaux à la construction très intelligente, qui, bien qu’en apparence basés sur le combo classique guitare lumineuse, basse douce et prégnante, et batterie enjouée, étonnent très vite lorsque l’on voit surgir des synthés pour le moins "vintage". Quelle belle surprise que cette succession de perles qui oscillent entre indie pop et new wave (mention spéciale pour "The Division St.", "Automobile" ou encore "Friend Machine" et ses sonorités presque 8-Bits). Le disque ne s’essouffle jamais, et on s’étonne d’assister à un tel enchaînement de compositions douces-amères que l’on a toutes envie de chérir. On pense aux premiers New Order, à Black Marble ou à The Vagina Lips pour cette faculté incroyable à nous offrir quelque chose qui se révèle immédiatement comme une évidence, et, de la même façon que pour leur confrère grec, il y a toutes les chances que cette formation originaire de Brooklyn nous accompagne bien au delà de cet été.

eNiB
"Cut"

"Cut"
DATES | Sorti le 13 avril 2020 | Publié le vendredi 31 juillet 2020
ET ALORS | eNiB n’est peut-être au final qu’une anomalie spatio-temporelle. Spatiale parce que le groupe, originaire d’Italie, précisément de Rome, vient de sortir son premier album sur le label Wave Records basé quant à lui de l’autre côté de la planète, à São Paulo au Brésil. Temporelle parce que chacune des compositions de "Cut" s’ancre dans trois périodes essentielles : l’EBM du milieu des années 80 avec des sonorités parfois presqu’industrielles, la synthpop de la fin des années 90 avec cette très belle voix au charme étonnant (on pense à Wolfsheim), et en 2020 pour ces sonorités plus fines qui ne font aucun doute, c’est bien à notre époque que cet album peut prendre tout son sens. Si l’on ajoute à cela un don pour les mélodies véritablement bluffant (comment résister à "Lost", "No Way Out" ou "Intruder"), et une passion pour le cinéma français des années 60 (la vidéo de "Lost" construite sur le film “Les Yeux sans visage” de Georges Franju), eNiB s’avère extrêmement subtil et aussi fascinant qu’un épisode de la série allemande "Dark" : aux croisementx de l’espace et du temps.

FILTRES | ss