& les Chroniques
Express
Lou Tides
"Autostatic!"
DATES | Sorti le 23/05/2025 | Publié le jeudi 3 juillet 2025
ET ALORS | Un disque qui débute par une suite de déflagrations digitales est forcément prometteur, d’autant plus que "Autostatic!", le tout premier album de l’énigmatique Lou Tides est une histoire de fantômes, principalement ceux de son passé. Lequel ? Membre de la formation américaine TEEN pendant une dizaine d’années avec ses deux soeurs, Kristina Lieberson déploie des capacités de polymorphisme inédites, et excelle dans l'élaboration de chansons pop expérimentales, voire déstructurées. La chanteuse donne vie à ses fantômes en modifiant franchement sa voix au grés des chansons, comme ce timbre venu d'ailleurs appuyé par le ronronnement de la basse sur "Low Wow". La subtilité des arrangements sur "Folklorish" permet au titre une transition habitée, la faisant passer d’une extrême à l’autre. L'artiste nous rappelle ces formations actuelles qui s'efforcent de conférer du caractère à la pop, dussent-elles avant tout en maltraiter les codes, quitte à la dénaturer. Au jeu des références fortuites, on retrouve dans "Autostatic!" des similitudes de voix qui se seraient infiltrées dans un environnement mutant : on croit entendre Marva Von Theo de passage dans l'univers de David Lynch sur "Flood Facts", quand "Map Marker" nous évoque Bestial Mouths pour son caractère électro assumé. Avec "Autostatic!", Lou Tides signe un disque d'une richesse inouïe, et qui n'a pas fini de troubler nos sens. Superbe.
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15/20
Bestial Mouths
"R.O.T.T. (inmyskin)"
DATES | Sorti le 11/08/2023 | Publié le dimanche 24 septembre 2023
ET ALORS | Nous avions découvert Bestial Mouth en 2019 avec "Inshrouds", un EP qui sublimait la plus sombre des darkwaves portée par des rythmes electro industriels implacables, et dont les vocaux franchement habités de sa chanteuse nous avaient fait l’effet d’un électrochoc. Quatre ans, un remaniement de personnel et deux albums plus tard, "R.O.T.T. (inmyskin)", le sixième album studio du groupe de Sacramento est produit par Rhys Fulber et mixé par Greg Reely : lorsque les responsables du son Front Line Assembly sont impliqués, strictement rien n’est laissé au hasard. Quant au chant incantatoire de Lynette Cerezo, il semble directement hérité de celui d’une Lisa Gerrard qui aurait pactisé avec un label de musique expérimental. Le résultat est imposant tout au long de ces neuf titres dont les rythmiques truffées de détails rendent fade n’importe quelle séquence binaire. Rhys Fulber a su instiller les ingrédients de son Conjure One au chaos initial de ces hymnes pour rituels sacrificiels et apporte son savoir-faire à un disque sans concession et terriblement réussi.
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15/20
Witch Fever
"Congregation"
DATES | Sorti le 21 octobre 2022 | Publié le jeudi 15 décembre 2022
POURQUOI | Rage | Énergie | Look
ET ALORS | Ça faisait déjà un bon moment que l'on surveillait du coin de l'oeil ce quatuor de jeunes filles de Manchester, très lookées "gothiques", avec une chanteuse en apparence possédée. Alex, Alisha, Amy et Annabelle, rien que des A, comme la note que l'on donnera à cet album, ont sorti deux singles et un mini-LP depuis 2018, et voici enfin leur véritable premier album, "Congregation", plus noir et désespéré que jamais. Ne vous fiez cependant pas au look, même si l'on sent bien à plusieurs reprises des ambiances que n'aurait pas renié UK Decay, pionnier du rock gothique, et inventeurs du terme bien malgré eux, quand celui-ci était encore bourré d'influences punk hargneuses et enragées. Witch Fever est classé sur divers sites web dans le punk/grunge, terme bien réducteur car le son des guitares ne fait pas tout. Grunge, bof, parlons plutôt de noise, de riot grrrls ou d'un rock féministe énervé à la Hole ou Babes In Toyland, avec donc cette tendance death-rock très marquée. Mais peu importe au final : Witch Fever réussit à s'imposer dans un genre pas encore trop répandu (coucou aux françaises de SheWolf) avec un album obsédant et sacrément bien foutu qui fait qu'on y revient même sans s'en apercevoir.
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17/20
New Canyons
"Heavy Water"
DATES | Sorti le 30 avril 2021 | Publié le dimanche 7 novembre 2021
POURQUOI | Darkwave
ET ALORS | Il existe des disques auxquels notre adhésion est immédiate et "Heavy Water", le troisième album de New Canyons, fait partie de ceux-là, probablement parce que l’on y décèle une multitude de repères familiers à la première écoute, au moment même où des titres tels que "Post Nothing" et "Spirit 83" envahissent l’espace. Car le son qui est à la fois ample et plombé est fait de très belles guitares empruntées à la dream pop et à la shoegaze, d’une rythmique aux sonorités franchement indus, des synthés récupérés à la new wave et à la darkwave, d’une basse qui ronronne non-stop et qui maintient l’ensemble en l’empêchant de s’écrouler sous le poids de ses propres couches sonores. Avec un chant dont le timbre peut parfois rappeler celui d’Andy McCluskey d’OMD, les références sont multiples et proviennent de toutes les directions à la fois, et ce qui semblait évident au départ se révèle bien plus complexe qu’on ne l’imaginait. Aucun détail n’est laissé au hasard dans une production de cette qualité, où l’on apprécie particulièrement la sensation d’euphorie que procure l’enchainement des chansons façon montagnes russes : ça monte, ça accélère puis ça ralentit ; à peine terminé, on se prépare à y retourner. Une très belle réussite.
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15/20
Bravery in Battle
"The House We Live In"
DATES | Sorti le 28 mai 2020 | Publié le lundi 3 août 2020
ET ALORS | Il est des disques qui, de part la nature même de leur ambition, dépassent leur mission première pour s'en découvrir une autre, plus universelle encore. Et c’est le cas de "The House We Live In" de Bravery in Battle. Ce disque-livre-documentaire dont l’idée initiale est de mettre le post-rock un peu rêveur des Français au service des messages d’espoir pour une autre réalité, délivrés par des personnalités engagées, militant pour un nouveau monde basé sur d’autres principes, d’autres buts, d’autres règles du jeu que celui dans lequel nous évoluons. Le groupe associe alors son savoir-faire où la surenchère est proscrite, à la musicalité des voix d'intervenants extérieurs (Vandana Shiva, Hubert Reves, Bill McKibben ou encore John Francis ou Paul Hawken), mimée parallèlement par un arsenal de métallophone, Rhodes, vibraphone, glockenpiel ou encore un piano. Le rendu onirique qui en découle traduit notre émerveillement devant l'évocation de cette utopie expliquée tout au long de l'album et du documentaire. Ce projet inédit mêle avec justesse interviews et compositions pour un état des lieux d’une pensée pas si marginale que cela, que nous sommes impatients de voir fonctionner en live en novembre.
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14/20
Anna Öberg
"Vafan Har Jag Gjort!"
DATES | Sorti le 15 mars 2019 | Publié le mercredi 10 juillet 2019
ET ALORS | Expérimental, purement électronique et un peu barré, de surcroît chanté en suédois (hormis le titre "Ich Bin" dont on n'aura pas besoin de préciser la langue), le second album d'Anna Öberg est un ovni frais et absolument indispensable. Pas étonnant que l’on pense aux sons bruts des synthés du début des 80s, ceux d'OMD et de Depeche Mode, que l'on y navigue entre références et clins d'oeil ("Unveiling The Secret" de Psyche), puisque les titres ont été réalisées avec les machines de l’époque que l’artiste collectionne. Cependant très lyrique, cette collection de chansons d'experimental-pop enchaîne des refrains accrocheurs qui, parce que nous ne pouvons pas les comprendre, rajoutent une dimension mystérieuse à l'ensemble. "Vafan Har Jag Gjort!" est une merveille à ne manquer sous aucun prétexte qu'il faut absolument emporter en vacances cet été.
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15
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14/20
Thighpaulsandra
"Practical Electronics with Thighpaulsandra"
DATES | Sorti le 1er mars 2019 | Publié le mercredi 27 mars 2019
POURQUOI | Thighpaulsandra | Coil
ET ALORS | Oreilles sensibles s'abstenir : Timothy Lewis, aka Thighpaulsandra, nous offre un huitième disque où la norme est l'absence même de repères. Ancien membre de Coil, l’Anglais nous livre les résultats non censurés de ses travaux et de ses expériences secrètes, présentés dans une pochette à l'humour typiquement britannique. Les changements inattendus au coeur même de ces quatre longs titres en perpétuelle mutation (entre neuf et treize minutes chacun) rappellent bien entendu les expérimentations sonores du Coil du début des années 2000. Une partie composée par Paul, une autre par Sandra, chaque morceau schizophrène se rapproche des récents albums solo d'Edward Ka-Spel, avec des clins d'œil aux banques de sons de Nitzer Ebb. Pour les plus courageux ainsi que pour les fans de Coil, la conférence sonore ici offerte vaut vraiment la peine d'être suivie.
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14/20
Yasuaki Shimizu
"Dementos"
DATES | Réédité le 16 janvier 2019 | Publié le mercredi 30 janvier 2019
ET ALORS | Les adeptes de japonisme connaissent déjà Yasuaki Shimizu par le biais de ses compositions électroniques dans le domaine publicitaire. D’autres l’ont sans doute découvert en tant que saxophoniste expérimental. Voici la réédition de "Dementos" (1988) qui nous éclaire un peu plus sur la facette pseudo accessible de l’artiste. Il se révèle ici en véritable crooner qui malaxe des sonorités techno funk new-yorkaises avec des percussions indiennes, triturant des phrasés mandingues avec des inventions de langages dans un creuset de world music précieuse telle que la pratiquait Ryuichi Sakamoto avec son ensemble Neo Geo. Élégantes, exotiques et raffinées, ses pop songs se savourent sans modération aux côtés d’autres miniatures de David Byrne, David Sylvian ou Masami Tsuchiya dont le timbre de voix se rapproche beaucoup.
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16/20
Indi
"Precipice"
DATES | Sorti le 12 octobre 2018 | Publié le mercredi 23 janvier 2019
POURQUOI | Orchestrations
ET ALORS | Savant mélange d’electronica, d’orchestrations luxuriantes, d'expérimentations et d’exercices de vocalises, "Precipice" propose une construction toute personnelle de chansons chaudes comme un souffle d'été. Avec sa voix douce et son phrasé enfantin, la néo-zélandaise Indi (de son vrai nom Indira Force), également chanteuse du groupe de trip-hop Doprah, propose dix sucreries délicieusement expérimentales et pop, sans état d’âme, où les machines s'approprient la rythmique façon mille-pattes, et soutiennent des orchestrations riches en sons de violons, de cors, de flûtes, harpes et clavecins, telle une Björk underground en direction de territoires inédits.
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15/20
Beauty Of Inconsequenz
"Persephone LP"
DATES | Sorti le 16 novembre 2018 | Publié le lundi 21 janvier 2019
POURQUOI | Pochette
ET ALORS | Est-ce parce qu’on ne sait absolument rien de Beauty Of Inconsequenz, que l’écoute de "Persephone" s’avère aussi troublante ? La troisième production du label berlinois Unterland ne dévoile d’elle que le corps fascinant de sa pochette, comme une invitation à pénétrer un univers que l’on découvre vertigineux, terriblement sombre, et profondément mélancolique. L’écoute de ses neuf titres révèle une juxtaposition légère et incroyablement intelligente de sons et d’ambiances qui nous emmènent aux confins d’une dimension où les fantômes de Massive Attack cotoîraient ceux d’esprits déviants. Ambient, expérimental, industriel dubsteps, trip hop, craquement de vinyls, bribes de voix énigmatiques… Un disque qu’aurait pu publier Cold Meat Industry si le label avait été basé à Bristol.
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