& les Chroniques
 Express
Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg
"Singularity Spectrum"

"Singularity Spectrum"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 14/04/2023 | Publié le mardi 12 septembre 2023
ET ALORS | "Singularity Spectrum" est le son de la nuit qui tombe, inquiétante et pleine de mystères, comme une réponse en version lumineuse et étoilée au ténébreux et colossal "Night Falls" de Hecq. Nous invitant à lever les yeux vers le ciel, ces deux fines lames du design sonore que sont Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg ont su, avec précision, concision et sobriété, composer un disque où la surenchère sonore est à rechercher dans les couches successives de détails minutieux qu’offre cette electronica à la sensibilité à fleur de peau, et dont la rythmique est démultipliée, étirée puis compactée jusque dans ses moindres retranchements quantiques. Si le disque réussit à s’élever jusqu’aux frontières d’une dark ambient aux touches néo-classiques et ethniques, il explose sur un final absolument grandiose qu'est le titre "Paradoxia". Ecoute après écoute, "Singularity Spectrum" révèle un nouveau son, une nouvelle boucle, un nouveau secret caché dans cette oeuvre de science fiction qui dépeint un univers contraire au nôtre, et qui s’enrichit de deux EPs supplémentaires, "Strange Nebula" et "Fire Pulsations", prolongeant encore plus loin le voyage aux confins du cosmos. Une réussite absolue.

Flint Glass
"Azathoth"

"Azathoth"
DATES | Sorti le 21 juin 2022 | Publié le jeudi  8 septembre 2022
ET ALORS | Second volet de la trilogie que Flint Glass consacre à l’oeuvre d’H.P. Lovecraft, "Azathoth" a digéré toutes les collaborations dark ambient qu'a menées Gwenn Trémorin depuis la sortie du premier volume, "Nyarlathotep", en 2006. Écouter ce nouveau disque cent pour cent Flint Glass, le premier depuis seize ans, c’est décider de quitter notre monde pour un autre, aux contours flous, drapé dans une dark ambient brumeuse, pénétrante et habitée, dans laquelle l’auditeur avance à la lumière pâle de sa frontale, sans oser plisser les yeux afin d'éviter une mise au point qu'il pourrait regretter amèrement. C'est aussi une électronica ultra dark aux rythmiques savantes et tout en finesse que distille "Azathoth", où le travail sur le son reste époustouflant tout au long de ces huit titres riches de minutieux détails qui rendent compte d'un bestiaire venu d’un univers parallèle et effrayant, imaginé par l'écrivain américain au siècle dernier, et que complète à merveille celui, sonore, du musicien français. Face à une telle justesse de complémentarité, on s’interroge : et si Flint Glass venait de réaliser la collaboration la plus ultime qui soit, celle qui réunirait deux artistes qu'un siècle sépare mais que l’imaginaire rapproche indéniablement ?

Lith
"Anthropocene"

"Anthropocene"
[M-tronic]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 29 janvier 2022 | Publié le vendredi 17 juin 2022
ET ALORS | L’Anthropocène est l’époque géologique caractérisée par l’avènement de l'activité humaine prépondérante à tout autre facteur naturel qui prédominait jusque-là, et détermine le sort de notre planète tout entière. Et c’est cette réalité que décrit fort bien le nouvel album du Français David Vallée et son projet Lith, dont l’électronica brute, massive et tellurique, associée à des patterns rythmiques fouillés et complexes, imagine la bande-son d’un futur que l’humanité a déjà orienté, voire condamné. Sur les dix titres instrumentaux qui composent "Anthropocene", le ton est solennel et la palette sonore est inquiétante pour évoquer ce constat tragique. Dès son intro qui sonne comme une mise en garde, "Anthropocene" semble remonter aux premières heures de l’Homme sur Terre avec sa rythmique tribale, avant de nous entrainer dans la désolation d’un monde de ruines et de cendres, au moyen de titres sans équivoque. Pour rendre compte de la puissance de nuisance et de destruction dont fait preuve notre espèce, le musicien emprunte autant au dubstep qu’à l’industriel et à la dark ambient sur ce disque dont la finesse d’exécution n’a pas fini de révéler la tonne de détails sonores qui nous fascinent.

Bank Myna
"Volaverunt"

"Volaverunt"
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 25 février 2022 | Publié le jeudi  7 avril 2022
ET ALORS | Un album qui paraît simultanément sur cinq labels différents, en voilà situation inédite et réservée à "Volaverunt", le premier album de la formation française Bank Myna, dont le nom est celui, en anglais, d’un oiseau : le Martin des berges. Dès lors, il n’est pas étonnant de découvrir un chant féminin et franchement assuré, qui s’élève gracieusement au dessus des déchaînements orchestrés de "Volaverunt", sur ce post-rock tour à tour expérimental, sacré puis mécanique. Mystérieuse et puissante, la musique de Bank Myna possède un avantage irrésistible : cette voix dont l’apparente fragilité rivalise avec la pression de ce monolithe de cinq titres enchaînés qui composent un disque fascinant, encadré par l’interventions de cloches qui sonnent au début et à la fin, suggérant le passage d’un rite initiatique. Les intonations et le timbre de Maud Harribey font penser ici ou là à ceux de Lisa Gerrard, entrainés par une basse qui laboure tout sur son passage. Mariant avec audace dream pop, drone et post-rock expérimental, "Volaverunt" se révèle être un disque mystérieux et vraiment à part, d’une élégance et d’une puissance rares, pour lequel il fallait bien les efforts conjugués de cinq labels pour briller dans toute sa splendeur.

Gnome & Spybey
"The Seventh Seal"

"The Seventh Seal"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 7 avril 2021 | Publié le vendredi 16 juillet 2021
ET ALORS | Pour un peu, nous passions à côté du septième album de Gnome & Spybey, sorti début avril, "The Seventh Seal". Le disque crée la surprise puisqu’il s’agit du premier album que le duo réalise avec autant de vocaux au premier plan. Parler de chansons serait cependant un raccourci trop rapide, un amalgame un poil osé, pour ce qui relève plutôt du spoken words assez proche des travaux de Coil période "Astral Disaster" et "Musick to Play in the Dark". On découvre alors que le timbre de Mark Spybey est ici très proche de celui de John Balance, une bénédiction qui ne gâche rien à l’affaire, et ses paroles fantomatiques, comme capturées entre deux mondes et pour la première fois propulsées au premier plan, installent une dualité et un réconfort, dans cet océan d’ambient électronique un rien angoissante. Rarement au sein de ses autres projets Beehatch, Dead Voices on Air ou plus récemment en compagnie d’Anatoly Grinberg, Mark Spybey ne nous avait semblé aussi accessible : c’est une première tellement réussie que l’on en redemande déjà.

Edward Ka-Spel & Nuits Rouges
"Midnight Pharmacy"

"Midnight Pharmacy"
DATES | Sorti le 16 avril 2019 | Publié le mardi 23 avril 2019
ET ALORS | Pour nous permettre de patienter jusqu’à la sortie très attendue de "The Angel In The Detail", le prochain album de son groupe The Legendary Pink Dots, Edward Ka-Spel nous fait la surprise d’une nouvelle collaboration avec le duo américain Nuits Rouges (Richard Ramirez et Sean Matzus de Black Leather Jesus) pour une paire de très longs titres développés en vue d’une édition en vinyle limitée à paraître en mai. Le premier, "The Night Before" donne l’impression de passer la nuit au milieu de la chambre rouge de Twin Peaks en compagnie du nain qui parle à l'envers, entre rêve, angoisse et claustrophobie. Quant au second, "The Mourning After", c’est au contraire une véritable ode au grand air, tout en field recording et accords au piano, qui nous invite à admirer la délicate lumière du matin prendre toute son ampleur au son du chant des oiseaux les plus matinaux.

LMX
"Dimension Shift"

"Dimension Shift"
[Meshwork]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 25 janvier 2019 | Publié le lundi  4 février 2019
POURQUOI | Meshwork
ET ALORS | "Dimension Shift" est le premier album d’un très jeune prodige d’à peine quinze ans qui se cache derrière trois majuscules mystérieuses, LMX. Chacun des titres de son électro mélodieuse réutilise volontairement la même palette sonore, et il en programme des combinaisons infinies, comme s’il peignait des fractales sur un mur de pixels. Empruntant à l’électro, au dub, à l’ambient, à l’IDM et à la synthwave, ses compositions n’oublient jamais les mélodies de cristal qui pourraient passer pour du Kraftwerk période "Computer World", lesquelles reposent habilement sur de très profondes basses qui ronronnent littéralement du début jusqu’à la fin. En privilégiant les courtes durées plutôt que de longues plages qui finissent parfois par s'asphyxier, LMX réussit un album qui respire véritablement la modernité en osant le mélange des genres que seules les jeunes générations se permettent aujourd’hui.

Penelope Trappes
"Penelope Two"

"Penelope Two"
DATES | Sorti le 26 novembre 2018 | Publié le lundi 14 janvier 2019
ET ALORS | Moitié du duo londonien The Golden Filter, la chanteuse d'origine australienne nous offre après son premier essai "Penelope One", un second disque solo dont les compositions ressemblent à des berceuses un peu dérangées et exclusivement réservées aux adultes. La musicienne touche-à-tout a choisi un sound design à la beauté blafarde pour habiller ses visions qui s'inspirent clairement des Cocteau Twins période "Victorialand" et "The Moon and the Melodies", en version ralentie au maximum et qui auraient comme palette sonore les expérimentations ambient de This Mortal Coil. L’album donne alors l'impression de flotter entre deux états : conscient grâce aux pulsations, aux oiseaux et à l'orage enregistrés, tout en étant à la fois détaché, comme invité en qualité d’observateur privilégié dans le rêve de quelqu'un d'autre dont on ne partagerait ni les démons, ni les craintes. Superbe.

ASC
"The Outer Limits"

"The Outer Limits"
DATES | Sorti le 30 novembre 2018 | Publié le mardi  8 janvier 2019
ET ALORS | James Clements, qui officie derrière ASC et qui produit des titres au kilomètre -il s'agit ici de son sixième disque cette année-, a clairement la tête dans les étoiles et nous y entraîne sans retenue à travers la plupart de ses disques composés à San Diego où il réside depuis des années. D'apparence tranquille, "The Outer Limits" ne propose pas de course jusqu'aux confins de notre système solaire, mais révèle des changements de rythmes au coeur même des quatre longs titres qui le composent. Nourri à la fois à l'ambient scintillante et à la soft techno, le mélange inédit fonctionne parfaitement sous la forme d'une electronica tout aussi puissante que rêveuse : quel son, quelle profondeur, quelle largeur de  spectre !










