& les Chroniques
Express
Slow Crush
"Thirst"

"Thirst"
DATES | Sorti le 29/08/2025 | Publié le jeudi 23 octobre 2025
POURQUOI | Hybride Métal-Dreampop
ET ALORS | Le son de "Thirst" est tout bonnement époustouflant. On imagine le travail qu’a dû représenter le mixage de pareil ovni, tant la musique pourtant tellurique y est si fluide, presque aérienne, comme transportée dans une bulle de sa propre matière en transit vers les étoiles. Car il a fallu polir ce matériau de départ si brut et si dense, ces guitares et ce jeu de batterie empruntés au métal et au grunge, que la voix douce et murmurée d’Isa Holliday élève au rang d’une dreampop métal hybride, rappelant les mélopées de Rose Berlin de SPC ECO. Plus dense que ses prédécesseurs "Aurora" et "Hush", dont le tempo flirtait souvent avec celui des Cocteau Twins ou de Red House Painters, "Thirst" est l’album le plus frontal du groupe belge, le plus saccadé aussi, duquel le magma sonore s’écoule comme d’un robinet ouvert au maximum en flow continu. On pense à Amusement Parks On Fire et à Filter pour les parties de guitares et de batterie, avec ici ou là ce supplément ouaté emprunté à la shoegaze du Slowdive du tout début des 90s. Un solo de saxophone vient finir de brouiller les cartes dans un jeu de piste déjà bien atypique, dans une forge sonore inspirée qui connecte des univers d’ordinaires isolés. Sublime.

Garbage
"Let All That We Imagine Be the Light"

"Let All That We Imagine Be the Light"
DATES | Sorti le 30/05/2025 | Publié le jeudi 11 septembre 2025
ET ALORS | Cela fait trente ans que nous écoutons inlassablement les disques de Garbage, véritable trait d'union entre les productions calibrées pour les radios et celles que nous estimons plus volontiers enregistrées rien que pour nous. Trente ans que l'idée de départ de Butch Vig, Duke Erikson et Steve Marker, à savoir mettre les lois de la science du remix au service de leurs compositions, a sublimé les chansons du groupe. Quant à Shirley Manson, elle n'a jamais cessé de jurer tout son saoul. S’il y a eu une constante, c’est bien cette aptitude à composer des chansons d’une modernité insolente, en offrant à chacune une super production ridiculisant les standards actuels. Cet album est une fois encore une collection de chansons parfaites et fières de l’être, à la croisée des chemins de l'électro et du rock, s'ouvrant par le single "There's No Future In Optimism" et passant par les torturés "Hold" et "Have We Met (The Void)", avant de faire une pause sous le lumineux et très électronique "Sisyphus". Sans tabou, et à l’évidence inspiré par la récente opération de sa chanteuse, le disque se termine par une ode à un célèbre antidouleur. Notons que sur "Get Out My Face Aka Bad Kitty", les Américains se permettent un riff de basse que n’aurait pas renié Peter Hook. À l’heure où le groupe suggère que sa tournée actuelle pourrait être la dernière, si cet album doit également être le dernier, nous sommes admiratifs devant une telle élégance et une telle sincérité.

Lou Tides
"Autostatic!"

"Autostatic!"
DATES | Sorti le 23/05/2025 | Publié le jeudi 3 juillet 2025
ET ALORS | Un disque qui débute par une suite de déflagrations digitales est forcément prometteur, d’autant plus que "Autostatic!", le tout premier album de l’énigmatique Lou Tides est une histoire de fantômes, principalement ceux de son passé. Lequel ? Membre de la formation américaine TEEN pendant une dizaine d’années avec ses deux soeurs, Kristina Lieberson déploie des capacités de polymorphisme inédites, et excelle dans l'élaboration de chansons pop expérimentales, voire déstructurées. La chanteuse donne vie à ses fantômes en modifiant franchement sa voix au grés des chansons, comme ce timbre venu d'ailleurs appuyé par le ronronnement de la basse sur "Low Wow". La subtilité des arrangements sur "Folklorish" permet au titre une transition habitée, la faisant passer d’une extrême à l’autre. L'artiste nous rappelle ces formations actuelles qui s'efforcent de conférer du caractère à la pop, dussent-elles avant tout en maltraiter les codes, quitte à la dénaturer. Au jeu des références fortuites, on retrouve dans "Autostatic!" des similitudes de voix qui se seraient infiltrées dans un environnement mutant : on croit entendre Marva Von Theo de passage dans l'univers de David Lynch sur "Flood Facts", quand "Map Marker" nous évoque Bestial Mouths pour son caractère électro assumé. Avec "Autostatic!", Lou Tides signe un disque d'une richesse inouïe, et qui n'a pas fini de troubler nos sens. Superbe.

La Machine
"Contrôle Total"

"Contrôle Total"
DATES | Sorti le 25/04/2025 | Publié le lundi 9 juin 2025
ET ALORS | "Contrôle Total", le premier album de La Machine, s'écoute comme le best of des deux années passées. Deux années au cours desquelles le duo nous a surpris à la sortie de chacun de ses EPs : tout d'abord par le choix de ses reprises, affichant de manière subtilement provocatrice un goût prononcé pour la variété, majoritairement française (Dani, Jacno, Michel Sardou), le second degré comme fil rouge, réhabilitant au passage le tube planétaire "Vamos A La Playa", lui rendant son sens premier et globalement incompris. Ensuite, par les thèmes abordés dans ses propres compositions, à travers lesquelles, un sourire toujours en coin, La Machine joue à nous faire peur, se nourrissant goulument de nos travers humains ataviques, exacerbés en ce début de vingt-et-unième siècle. On se délecte de ces paroles en français à l'humour évidemment cynique et décalé, de ce chant suffisamment éloigné des projets respectifs des protagonistes pour donner une voix nouvelle à cette machine punitive. Le virus de la Covid-19, dont s'inspire "F.F.P.2" est passé par là, et d'autres suivront nous dit-on. Dès lors, La Machine anticipe les prochains cataclysmes sur fond d’une électro vintage minimale de premier choix, synthés d'origine de rigueur, et pas si froide que cela, en nous avertissant que si nous méritons l'anéantissement, La Machine en sera sa Némésis. Un disque véritablement addictif !

Bestial Mouths
"R.O.T.T. (inmyskin)"

"R.O.T.T. (inmyskin)"
DATES | Sorti le 11/08/2023 | Publié le dimanche 24 septembre 2023
ET ALORS | Nous avions découvert Bestial Mouth en 2019 avec "Inshrouds", un EP qui sublimait la plus sombre des darkwaves portée par des rythmes electro industriels implacables, et dont les vocaux franchement habités de sa chanteuse nous avaient fait l’effet d’un électrochoc. Quatre ans, un remaniement de personnel et deux albums plus tard, "R.O.T.T. (inmyskin)", le sixième album studio du groupe de Sacramento est produit par Rhys Fulber et mixé par Greg Reely : lorsque les responsables du son Front Line Assembly sont impliqués, strictement rien n’est laissé au hasard. Quant au chant incantatoire de Lynette Cerezo, il semble directement hérité de celui d’une Lisa Gerrard qui aurait pactisé avec un label de musique expérimental. Le résultat est imposant tout au long de ces neuf titres dont les rythmiques truffées de détails rendent fade n’importe quelle séquence binaire. Rhys Fulber a su instiller les ingrédients de son Conjure One au chaos initial de ces hymnes pour rituels sacrificiels et apporte son savoir-faire à un disque sans concession et terriblement réussi.

Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg
"Singularity Spectrum"

"Singularity Spectrum"
[Ant-Zen]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 14/04/2023 | Publié le mardi 12 septembre 2023
ET ALORS | "Singularity Spectrum" est le son de la nuit qui tombe, inquiétante et pleine de mystères, comme une réponse en version lumineuse et étoilée au ténébreux et colossal "Night Falls" de Hecq. Nous invitant à lever les yeux vers le ciel, ces deux fines lames du design sonore que sont Gwenn Tremorin & Anatoly Grinberg ont su, avec précision, concision et sobriété, composer un disque où la surenchère sonore est à rechercher dans les couches successives de détails minutieux qu’offre cette electronica à la sensibilité à fleur de peau, et dont la rythmique est démultipliée, étirée puis compactée jusque dans ses moindres retranchements quantiques. Si le disque réussit à s’élever jusqu’aux frontières d’une dark ambient aux touches néo-classiques et ethniques, il explose sur un final absolument grandiose qu'est le titre "Paradoxia". Ecoute après écoute, "Singularity Spectrum" révèle un nouveau son, une nouvelle boucle, un nouveau secret caché dans cette oeuvre de science fiction qui dépeint un univers contraire au nôtre, et qui s’enrichit de deux EPs supplémentaires, "Strange Nebula" et "Fire Pulsations", prolongeant encore plus loin le voyage aux confins du cosmos. Une réussite absolue.

Darkswoon
"Bloom Decay"

"Bloom Decay"
DATES | Sorti le 14 septembre 2022 | Publié le mercredi 21 septembre 2022
POURQUOI | Single "Eaten By Wolves" époustouflant
ET ALORS | Le trio de Portland Darkswoon porte très bien son nom, tant son indie rock à l’ossature électronique et aux refrains intelligents porte en elle cette pointe de noirceur intime, ce petit quelque chose de troublant que contient une phrase telle que "My body’s not mine", scandée sur l’impeccable premier single "Eaten By Wolves" extrait de son nouvel album, "Bloom Decay". La guitare et le chant remarquable de Jana Cushman sont portés par une boîte à rythmes faussement rétro, brute et mécanique, appuyée par les discrets synthés de Rachel Ellis et soutenue par la basse de Norah Lynn. Depuis ses débuts en 2015, Darkswoon façonne un spectre sonore aux possibilités multiples : la guitare mitraille façon Killing Joke sur "This Is A Void", se fait aérienne sur le second single "Year Of The Rat", exprime sa rage sur "Under Glass", ou encore se la joue économe sur le titre "Bloom Decay" qui ouvre et baptise ce disque qui est une réussite absolue. Quant à la production, elle a su offrir à ces chansons uniques la profondeur qu’elles méritaient, en domptant cette profusion d'énergie à fleur de peau, tout en conservant l’étincelle brute et sauvage de la passion, celle qui illumine le coeur même de "Bloom Decay". A découvrir absolument.

Flint Glass
"Azathoth"

"Azathoth"
DATES | Sorti le 21 juin 2022 | Publié le jeudi 8 septembre 2022
ET ALORS | Second volet de la trilogie que Flint Glass consacre à l’oeuvre d’H.P. Lovecraft, "Azathoth" a digéré toutes les collaborations dark ambient qu'a menées Gwenn Trémorin depuis la sortie du premier volume, "Nyarlathotep", en 2006. Écouter ce nouveau disque cent pour cent Flint Glass, le premier depuis seize ans, c’est décider de quitter notre monde pour un autre, aux contours flous, drapé dans une dark ambient brumeuse, pénétrante et habitée, dans laquelle l’auditeur avance à la lumière pâle de sa frontale, sans oser plisser les yeux afin d'éviter une mise au point qu'il pourrait regretter amèrement. C'est aussi une électronica ultra dark aux rythmiques savantes et tout en finesse que distille "Azathoth", où le travail sur le son reste époustouflant tout au long de ces huit titres riches de minutieux détails qui rendent compte d'un bestiaire venu d’un univers parallèle et effrayant, imaginé par l'écrivain américain au siècle dernier, et que complète à merveille celui, sonore, du musicien français. Face à une telle justesse de complémentarité, on s’interroge : et si Flint Glass venait de réaliser la collaboration la plus ultime qui soit, celle qui réunirait deux artistes qu'un siècle sépare mais que l’imaginaire rapproche indéniablement ?

Quinquis
"Seim"

"Seim"
[Mute]
par Bertrand Hamonou
DATES | Sorti le 20 mai 2022 | Publié le samedi 30 juillet 2022
ET ALORS | C’est du bout des doigts et du bout des lèvres qu’Emilie Tiersen, de son nom de jeune fille Emilie Quinquis, donne vie à "Seim", un disque plein de mystères et de révélations, co-écrit et co-produit par Gareth Jones, véritable légende du son électronique que l’on ne présente plus. La production est évidemment très soignée, feutrée, comme préservée dans une délicate bulle d’espace temps inaltérable. Guidé par la lumières de l’ambient et rythmée la pulsation de la melantronica, "Seim" s’impose comme la musique des rêves. Un souffle, quelques notes de cordes de guitare tout juste pincées ici ou là, et voici que "Seim" devient également la musique des étoiles, celle qui, dans notre imagination, accompagne avec grâce le mouvement des constellations. Du bout des lèvres et du bout des doigts, Quinquis interprète exclusivement en breton des chansons d’une exquise fragilité : un murmure, une respiration, et ces douces mélodies deviennent autant de comptines portées par ces boucles électroniques à la mécanique discrète. Du bout des lèvres et du plus profond de son âme, Quinquis nous offre un disque remarquable qui célèbre la vie dans toute sa quiétude et sa sérénité.

Just Mustard
"Heart Under"

"Heart Under"
DATES | Sorti le 27 mai 2022 | Publié le lundi 25 juillet 2022
POURQUOI | Découvert en concert
ET ALORS | Nous étions très impatients de découvrir "Heart Under", le second album des Irlandais de Just Mustard. Bien sûr, la référence à Cranes est évidente, mais si la voix de Katie Ball rappelle celle d’Alison Shaw, reconnaissons qu’elle est plus juvénile qu’enfantine. Quant à la structure de ses titres, le groupe s’inspire exclusivement de la période "Self-Non Self" de ses aînés, principalement pour le côté expérimental du son : brut, rêche, à des années-lumière d’une musicalité ordinaire ; en un mot : extraterrestre. Le génie de Just Mustard, c’est ce jeu de guitare non conventionnel qui relève de la performance de chaque instant : le groupe s’emploie à dénicher les sons les plus improbables qu’une guitare électrique puisse offrir, sans jamais jouer d’accord ni de véritable suite de notes, en se concentrant sur les vrombissements et autres dissonances tout au long de ses chansons. Car c’est bien de chansons dont il s’agit ici, et c’est à cela que fait certainement référence le titre même du disque : sous l’apparente rudesse de la musique, c’est à ce chant fragile, cet "Heart Under", qu’incombe la lourde tâche de transformer ces folles expérimentations sonores en chansons avec un remarquable talent du début à la fin du disque.

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