& les Chroniques
Express
Dive
"Where Do We Go From Here?"

"Where Do We Go From Here?"
par Thomas Papay
DATES | Sorti le 11 décembre 2020 | Publié le mercredi 31 mars 2021
ET ALORS | Si il y a un acteur de la scène électronique underground qui se distingue par sa constance dans l'excellence, c'est bien Dirk Ivens. Trente ans d'activisme sans faille aux commandes de formations cultes et radicales telles qu'Absolute Body Control, Klinik, ou Sonar, c'est cette fois derrière son alias Dive qu'il revient en ce début d'année. Sur la forme, rien de neuf, on reste en terrain connu, celui d'une électro industrielle minimaliste puissante et poisseuse ("Inside Your Head"), parfois plus dancefloor ("Leave Me Be"), mais toujours noire et anxiogène . À mi chemin entre les influences proto indus de The Klinik ("Facing the Moon") et la techno mentale et mécanique de Sonar, les titres s'enchaînent et l'effet "marteau pilon" fonctionne à plein. La production musclée et abrasive et le soin apporté aux ambiances ("Dark Place") instaurent un climat oppressant tout en rage contenue et prouvent une fois encore que Dirk Ivens, au contraire de beaucoup de formations électro indus de sa génération évite toujours soigneusement de tomber dans le cliché propre à cette scène et reste au-dessus de la mêlée. Cette virée nostalgique s'avère donc plutôt rafraichissante et salutaire en ces période de disette de dancefloor.

Deathlist
"You Won't Be Here For Long"

"You Won't Be Here For Long"
DATES | Sorti le 29 mai 2020 | Publié le lundi 27 juillet 2020
ET ALORS | Prendre le temps d'écouter ce très bel objet qu’est "You Won't Be Here For Long", c'est accepter de pénétrer dans un univers trouble où règne la pénombre, légèrement enfumé, où l’on respire des vapeurs d'alcool et des relents de sueur. Un endroit où la vision se trouble et où notre discernement s’estompe ; comme si l’on se retrouvait dans un épisode de Twin Peaks ("You Won't Be Here For Long", "I Was Floating") dans lequel on prendrait un plaisir infini à se laisser entraîner, aspiré par cette ambiance légèrement moite, presqu'animale, bercé entre bien-être et malaise. Jenny Logan, originaire de Portland dans l’Oregon, nous offre avec son quatrième album une immersion légèrement noisy, lancinante, entêtante, quasi hypnotique ("Sad High"), qui continuera à vous hanter bien après que l'écoute du disque soit terminée. Deathlist c’est The Jesus à Mary Chain qui aurait été ensorcelé par Chelsea Wolfe, Deathlist vampirise la noirceur de l’un et la douceur de l’autre et parvient à nous envoûter et à nous happer dans son délicieux univers où l’on n’aura de cesse de revenir tant ce qui en émane est d’une beauté quasi magnétique.

Sorry
"925"

"925"
DATES | Sorti le 27 mars 2020 | Publié le mercredi 29 avril 2020
POURQUOI | Les singles précédents l'album
ET ALORS | Quel gifle ce "925" ! Et qu'elle est agréable cette rougeur sur la joue ! La jeune formation originaire de Londres s'amuse avec "925" à rebattre les cartes de l'indie pop en empiétant avec la plus grande finesse sur les plates-bandes de deux trois monstres, et pas des moindres. Ici, sur le refrain de "Right Round The Clock" c'est évidemment à Metronomy que l'on pense lorsque Louis O’Bryen vient doubler la voix féminine d’Asha Lorenz, là, lorsque celle-ci nous rappelle celle de Martina Topley Bird et que s’installe une moiteur et une nonchalance légèrement trip-hop c’est Tricky qui s'immisce, un peu plus loin c'est Pulp et que l'on croise, et tapie dans l'ombre c'est l'énergie de Pixies qui s'impose comme par exemple sur "Perfect" qui porte très bien son nom. Et le tout est organisé d'une façon extrêmement intelligente : c'est frais, c'est enjoué, c'est varié, les mélodies s'installent et l'atmosphère globale redonne ses lettres de noblesse au genre qui d'un coup semble se réinventer totalement. On peine à imaginer que la formation ait pu produire un son aussi mature alors que ce n'est que son premier album. Mais les singles et démos accessible via leur Bandcamp qui ont précédé cette sortie attisent tout notre intérêt ; un bijou comme celui-ci est rare et on va bien prendre soin de lui.

Nuovo Testamento
"Exposure"

"Exposure"
DATES | Sorti le 7 mars 2019 | Publié le vendredi 9 août 2019
ET ALORS | Parfois on s’emballe. Souvent on doute. Lorsque tout est trop évident, quand il ne suffit que de quelques secondes pour déceler les références et l’inspiration flagrantes, quand les intentions sont dévoilées dès les premières notes, quand chaque instrument rappelle celui d’un autre. C’est soit que l’artiste n’est pas très malin, soit qu’il est intrépide. Nuovo Testamento doit faire partie de cette deuxième catégorie. Car on adore, immédiatement. Cette voix féminine assurée, celle de Chelsey Crowley, californienne d’origine, et l'armada italienne qui la soutient : une rythmique tranquillement orientée dancefloor, une basse et une guitare que le fils de Simon Gallup ne renierait pas, et surtout des synthés, des nappes qui devraient rendre folle de jalousie toute la scène goth de ces 30 dernières années.
Parfois on s’emballe, parfois on s’enflamme. Souvent on excuse tout.

Curses
"Romantic Fiction"

"Romantic Fiction"
DATES | Sorti le 26 octobre 2018 | Publié le lundi 17 juin 2019
ET ALORS | Antler Records ? KK Records ? Nettwerk ? Ce son, cette pochette, on est évidement certain de l'avoir déjà acheté ce vinyl. Chez Danceteria sûrement, ou peut-être chez New Rose. Il n'y a pas très longtemps... en 1985... 86. C'est à tout ça que nous renvoie "Romantic Fiction", le premier album, après une série d'EP, de Curses, new-yorkais d'origine installé à Berlin. À moins que ce ne soit à Boy Harsher ou à ces artistes qui puisent aujourd'hui, à l'infini, sans ne jamais nous lasser, dans cette source élémentaire qui semble pourtant intarissable, cette new wave early EBM, construite sur une rythmique froide, quelques samples de basses, de voix, un synthé malin et un chant mélancolique. On s'attache très vite à ce disque, auquel participent la niçoise Jennifer Cardini et la berlinoise Perel, même si l'excitation faiblit sur la longueur de l'album qui s'étire peut-être un peu trop.

The Coathangers
"The Devil You Know"

"The Devil You Know"
DATES | Sorti le 8 mars 2019 | Publié le jeudi 21 mars 2019
ET ALORS | Les albums passant (déjà le sixième en douze ans, en excluant le précédent), on aurait pu croire que les trois punkettes des Coathangers allaient se calmer mais il n'en est rien (ou presque, à la fin) : au contraire, comme le bon vin, leur musique se bonifie avec le temps. Moins rugueuse, de plus en plus sautillante (impossible de ne pas penser aux géniales Slits ou plus près de nous aux brillantes Mika Miko), pour ne pas dire dansante, mais avec toujours cette putain d'énergie à vous réveiller un mort, en appliquant à la lettre la règle d'or : trois accords suffisent pour faire une chanson. Plus que jamais, "The Devil You Know" fourmille de tubes à chanter sous la douche, avec une musique idéale pour surmonter le marasme du quotidien et vous faire sentir plus vivant que jamais.

The Telescopes
"Exploding Head Syndrome"

"Exploding Head Syndrome"
DATES | Sorti le 1er février 2019 | Publié le mardi 5 mars 2019
ET ALORS | Depuis le mythique "Taste" en 1989, Stephen Lawrie mène sa barque tranquillement, fidèle au registre shoegaze/noise/space rock qui est sa marque de fabrique, et dont il est, il faut le dire, l'un des champions actuels. L'âge aidant, la musique s'est faite de plus en plus expérimentale et planante, sans toutefois délaisser une profonde noirceur, larsens et synthés entremêlés à l'infini, lancinants, répétitifs, cotonneux, sur fond de voix monocorde ensommeillée. "Exploding Head Syndrome", comme le précédent, est de cet acabit, et il est magistral. On n'écoute pas les Telescopes pour se distraire, mais pour se soigner : les vapeurs psychédéliques dégagées par cette musique ont ce don extraordinaire d'agir sur le cerveau aussi bien qu'une drogue : on s'y plonge avec délectation, et on en oublie tout le reste.
