Manon Meurt

Interview réalisée par Bertrand Hamonou

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English version of the interview

« MMXVIII »

[Minority Records]

Sortie le 12 octobre 2018

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À bien y réfléchir, la scène indé de République Tchèque nous est complètement inconnue. Mais lorsqu'un groupe local qui porte de surcroît un nom français sort un album majestueux sans crier gare, nous nous devons de mener l'enquête. Et c'est avec gentillesse et enthousiasme que Katerina Elznicová, chanteuse et guitariste de Manon Meurt, a accepté de répondre à nos questions.

Tout d’abord, c’est le nom du groupe qui me fascine et j’aimerais savoir d’où il vient ?
Manon Meurt est une combinaison qui vient de deux livres : “Malone Meurt”, de Samuel Beckett et “Manon Lescaut” d’Antoine Francois Prévost. 
Au début nous voulions retenir le premier, mais après l’avoir lu, nous nous sommes aperçu que Malone était un vieil homme alors que nous avions une jeune chanteuse. Nous nous sommes alors dit qu’il valait mieux trouver quelque chose d’approchant avec un prénom féminin. Manon Lescaut est une magnifique jeune femme un peu compliquée qui vit une histoire d’amour tendre et tragique, et nous avons trouvé que ça correspondait à notre humeur lorsque nous composons. C’était donc le prénom parfait pour nous.
« Nous avions comme idée de départ celle d’un son qui se fondrait dans l’espace sur lequel on entendrait de jolis vocaux calmes. C’est de là que tout est parti. »
Il y a des références remarquables dans votre musique, comme Slowdive par exemple. Quels sont vos héros, quels groupes ont aidé à définir votre son ?
Au tout début, nous avions comme idée de départ celle d’un son qui se fondrait dans l’espace sur lequel on entendrait de jolis vocaux calmes. C’est de là que tout est parti. Ensuite, chacun d’entre nous écoute beaucoup de trucs différents, et nos groupes favoris changent tout au long de l’année, ce qui fait que chaque album et chaque chanson ont leur propre influence. Ce pourrait être Nick Cave, Twilight Sad ou Chelsea Wolfe pour n’en nommer qu’un petit nombre d’entre eux.

Il y a quelque chose de très sérieux voire de solennel dans votre musique, presque religieux même. D’où est-ce que cela vient ?
Je vais te raconteur une histoire : notre ami Garret Klahn du groupe Texas Is The Reason (un groupe américain d'emo et post-hardcore, originaire de New York -ndlr) est passé nous voir lors d’une tournée en République Tchèque avec son groupe, et il a joué dans notre ville natale de Rakovník. Nous nous promenions en voiture parmi les champs et les forêts qui entourent notre région, et après quelques minutes de silence à regarder par la fenêtre, il a simplement déclaré : “Maintenant je comprends pourquoi vous faites la musique que vous faites”. Et il a peut-être bien eu raison (sourires).

À chaque fois que j’écoute votre album, je le trouve irréprochable et je trouve toujours difficile de croire qu’il ne s’agit que de votre premier LP. Comment vous y êtes-vous pris pour arriver à un tel niveau de perfection ?
Merci ! Mais en fait, tu sais, nous considérons qu’il s’agit plutôt du second, le premier était sorti en 2013, même s’il ne s’agissait que d’un six titres. Ensuite, ça nous a pris cinq ans de nous demander avec qui nous aimerions coopérer pour enregistrer “MMXVIII”. En fin de compte, nous avons eu de la chance de pouvoir nous entourer de trois personnes formidables : Jan P. Muchow comme producteur, Derek Saxenmeyer à l’enregistrement et au mix ainsi que Matou Godík au mastering. Ils sont cette fois-ci en très grande partie responsable du son sur le disque.

Quel est l’état de la scène musicale en République Tchèque ? Avez-vous des connexions avec d’autres groupes locaux ?
C’est vrai que le pays est petit mais crois-moi, il y a énormément de groupes ici. Au début nous étions un groupe diy venu d’une petite ville, nous avions des contacts avec cette scène un peu hardcore, diy, emo, punk, ce qui était plutôt drôle car nous y jouions notre lente musique romantique lors de festivals tels que Fluff Fest ou Cheechaak parmi tous ces punks ! Nous avons donc autant d’amis au sein de cette scène, que dans la scène alternative où tout le monde connait tout le monde. Si tu joues suffisamment souvent, tu rencontres toujours les mêmes personnes. Et puis c’est assez commun ici de faire partie de plusieurs groupes à la fois, où cinq groupes différents sont composés des sept mêmes musiciens qui échangent leurs instruments. Parfois, tu reçois une demande de la part d’un organisateur qui veut te booker pour un concert et qui t’écrit un gentil message personnel du style : “Nous aimerions vous inviter à jouer à tel festival etc…” et qui oublie de préciser lequel de tes groupes ils souhaitent voir. Ça doit leur faire bizarre de recevoir une réponse du genre : “Merci pour l’invitation, mais de quel groupe parlez-vous ?” (rires).

Quand je regarde le planning de vos concerts passés et à venir, j’ai l’impression que vous n’arrêtez jamais de jouer, si ?
Oui, absolument. Honnêtement, nous n’en avons jamais assez de tourner en fait.

Avez-vous une idée du profil de votre public ? Est-ce que ce sont des jeunes qui découvrent cette musique, ou plutôt des plus âgés qui ont découvert dreampop et shoegaze dans les 90s ?
On a toujours un mélange des deux. Beaucoup de plus âgés viennent nous parler après les concerts parce que notre musique leur rappelle évidemment la dream/shoegaze des 90s avec laquelle ils ont grandi. Mais il y a aussi un bon nombre de plus jeunes qui nous écoutent sur Spotify et qui grandissent avec notre musique. Les deux types de public sont géniaux !

Vous avez sorti un nouveau single il y a quelques semaines : êtes-vous en train d’enregistrer un nouvel album en ce moment ?
“Beyond Beside”, le nouveau single, est en fait la dernière des chansons enregistrées l’an dernier au Faust Studio lors des sessions de “MMXVIII”, mais elle n’a pas été retenue au final. Nous sentions que cette chanson avait une atmosphère différente des autres et ne fonctionnait pas sur l’album. C’est également un très vieux titre que nous avons composé juste après notre premier EP, qui est passé par pas mal de phases et de changements successifs, et que nous n’avons pas su enregistrer avant ; c’est une “vieille nouvelle” chanson si tu préfères (sourires).
Mais pour répondre à ta question, oui, nous sommes en pleine période créative en ce moment, donc tu peux t’attendre à entendre de nouvelles choses de notre part très bientôt.