And Also the Trees

Interview réalisée par Delphine Payrot

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« Born into the Waves »

sortie le 18 mars 2016

Lorsque j'ai rencontré pour la première fois Simon et Justin, j'avais 17 ans. Dès le premier regard, je suis tombée sous le charme. Je savais avant cette rencontre que la mélancolie de leurs chansons me concernait, j'ai réalisé en les voyant que c'était bien à moi que les deux frères s'adressaient. Mais ce soir-là, une scène nous séparait. Puis, nous nous sommes encore croisés, à maintes reprises, eux toujours brillants, dans la lumière et moi seule, dans la pénombre.

Nous sommes bien des années plus tard. Le groupe revient tout juste d’une tournée qui l’a emmené plus loin que d’habitude : en Europe de l’Est et au Japon, auprès d’un public qu’il n’avait jusque-là jamais rencontré. De nouvelles filles et garçons de 17 ans ont à leur tour croisé leurs regards, d’autres femmes et hommes de mon âge aujourd’hui les ont approchés pour la première fois.

Cet après-midi, ce n'est plus dans la pénombre d’une salle de concert que j'observe Simon, mais installée dans un café du 18ème arrondissement de Paris. Nous allons passer plus d’une heure ensemble, j’ai en tête des millions de questions à lui poser, l'envie de lui parler de notre première rencontre, de mon émotion aussi intense qu’au premier jour à l’écoute de leur musique, mais, trop intimidée, je n'évoque que son dernier disque.

Parce que c’est surtout d'amour dont est empli "Born into the Waves", et cela nous va parfaitement bien d’en parler ensemble.
« C’est frustrant de se dire qu’il y a des gens de toutes générations partout dans le monde qui pourraient apprécier notre musique mais qui ne nous connaissent pas, parce qu’il n’y a pas de promotion de nos albums dans leur pays. »
Comment s’est passée cette dernière tournée, quel sentiment vous ont procuré ces rencontres avec ces personnes d'origines différentes, dans des pays où vous n'étiez jamais allés ? 
Simon : Ce fut une expérience extrêmement enrichissante. Au Japon, nous avions toujours eu un vrai public depuis nos débuts. Quant à l'Europe de l’Est, ça a été différent. Un soir nous nous sommes retrouvés à jouer devant des étudiants qui n’avaient jamais entendu parler de nous, mais ils nous ont dit ensuite avoir beaucoup apprécié le concert. C’est frustrant de se dire qu’il y a des gens de toutes générations partout dans le monde qui pourraient apprécier notre musique mais qui ne nous connaissent pas, parce qu’il n’y a pas de promotion de nos albums dans leur pays.
Jérôme Sevrette

C'est à partir de ces rencontres que vous avez écrit "Born into the Waves", mais les morceaux ne sont-ils pas aussi en partie inspirés de vos expériences personnelles ?
Non, ce n'est vraiment pas lié à nos vies. Justin a voulu explorer l'idée de la similarité des émotions dans les différents coins du globe, et ce sont ces différentes parties du monde que nous venions de visiter qui nous ont offert de véritables expériences dans lesquelles nous avons puisé notre inspiration.

La trame de fond de l'album est très précise : c'est l'amour qui vous a inspiré. Qui a choisi ce thème ?
Justin m'a envoyé les mélodies, et il m’a simplement dit : "Ce sont des chansons d'amour de différentes parties du monde…". Cette idée de départ est restée ancrée dans un coin de ma tête, et c’est plus tard que j’ai développé le thème et l'exploration de l'amour, comme une émotion, en l’explorant sous toutes ses facettes. Il peut s'agir de l'amour pour une personne, tes enfants, tes amis ou pour ton amoureuse. Mais cela peut aussi recouvrir l'amour en général, l'amour de l'humanité, d’un endroit ou d’une musique… Juste l'amour comme une émotion et une force.

L'amour y est-il abordé comme un sentiment durable et réfléchi, semblable au bonheur, ou plutôt comme un moment fugitif, une simple joie de vivre l’instant présent et éphémère comme une nouvelle rencontre, une réunion de famille, d’amis ou encore l'écoute d’un morceau de musique que l’on adore ?
Cela peut être les deux. En particulier le dernier morceau "The Skeins Of Love", qui évoque "le fil d'amour". L'amour peut parfois prendre des chemins tortueux comme celui de tes veines, de rivières ou de rues.

Le premier titre de "Born into the Waves", "The Guess" est un de mes préférés. Quels sont les sentiments que tu y évoques ?
Il s'agit de l'amour pour une femme. Entre deux personnes. Comment connaître réellement l'autre. Connaitre à la fois de façon spirituelle et physique l'autre. La conclusion c'est que l'on est tous "inconnaissables” et “insaisissables”, et qu’il est illusoire de penser connaître l’autre parfaitement.

« Notre musique peut être parfois sombre, mais nous avons toujours voulu qu’elle soit en même temps empreinte de lumière et d'optimisme. Nous ne voulons plus être catalogués comme un groupe gothique ou cold wave. »
La musique d'And Also the Trees est souvent mélancolique, mais pour la première fois sur ce disque je ressens une énergie qui me semble plus optimiste, particulièrement sur le magnifique morceau “Seasons and the Storms”, avec cette voix féminine qui vient se joindre à la tienne.
Pourtant, pour moi, cet album n'est pas véritablement différent de ce que nous avons fait jusque-là. Nous devons accepter l'idée qu'il y a de la mélancolie dans notre musique. Elle peut être parfois sombre, mais nous avons toujours voulu qu’elle soit en même temps empreinte de lumière et d'optimisme. Nous ne voulons plus être catalogués comme un groupe gothique ou cold wave. Je reconnais que dans ce disque on peut voir plus d'optimisme que dans les précédents, mais ce n'était pas intentionnel. C'est venu comme ça. Nous n’avons pas de démarche particulière, notre objectif est simplement de provoquer des émotions, de suggérer des images, de créer une musique qui nous est propre, et qui reflète notre identité.
Jérôme Sevrette

Le deuxième morceau "Hawksmoor and the Savage" est particulièrement poignant et énergique. Les paroles aussi sont sauvages, voire féroces.
Oui, c'est parti d'une idée assez surréaliste. Les paroles sont volontairement laissées à la libre interprétation de l’auditeur. Y compris pour moi-même. Mes chansons ont souvent plusieurs significations et peuvent être interprétées de différentes façons, selon le moment, ou selon mon état d’esprit. Un même paysage peux être perçu différemment selon les saisons ou l’humeur de la personne qui le regarde. J’aime ce côte équivoque et cette ambivalence dans mes paroles. Je ne veux surtout pas que mes chansons soient trop lisibles et évidentes. Mes idées sont guidées et suggérées par la musique composée par Justin, elles viennent à moi en fonction de la mélodie. Sans la musique de Justin, il n'y aurait rien.
D.R.

Tu parles de paysages... aussi bien le nom de votre groupe, la musique, les paroles et les pochettes de vos albums sont inspirés par les paysages environnants, la nature et la couleur des  saisons. C’est comme un fil directeur dans vos compositions et votre empreinte personnelle. 
Effectivement, notre musique a toujours été inspirée et influencée par notre environnement et le rythme des saisons. Nos premiers albums ont été composés à la campagne où nous avons grandi, dans un hameau au milieu de nulle part, et je suppose que notre musique aurait été très différente si nous avions vécu en ville. En revanche, notre dernier album est largement inspiré des espaces, des paysages et des gens que nous avons côtoyés durant notre dernière tournée. Cette tournée en Europe de l’Est et au Japon nous a énormément apporté. Ça se reflète à la fois dans la musique et dans les paroles. Par exemple dans le morceau “Bridges”, nous évoquons le milieu urbain, les rues, les ponts...

"Bridges" est un titre magnifique. Mais la mélodie de “Winter Sea” elle, me transporte littéralement. La mer a aussi toujours été une composante de votre musique. Le nom du groupe provient d’ailleurs du texte d’un de vos premiers morceaux “Green is the Sea/And Also the Trees” (que le groupe n’a joué qu’une fois au Batofar pour ses 25 ans en 2005 -nldr).
Oui, absolument. “Winter Sea” est inspiré de la généalogie de notre famille. Notre arrière arrière grand-père à Justin et moi était capitaine de bateau, il était originaire du Maine en Amérique et il a rencontré sa femme en Angleterre. Ils se sont installés à Liverpool et ont alors fondé une famille. Il y a toujours des racines “marines” au plus profond de moi.