Sylvgheist Maëlström

« Norillag »

[Hands Productions]

Chronique rédigée par Bertrand Hamonou

publiée le 22 juillet 2018 à 23h41

sorti le vendredi 27 avril 2018



Pour appréhender "Norillag", le quatrième album de Sylvgheist Maëlström, quelques recherches préalables sur la ville polaire de Norilsk, en Sibérie, sont nécessaires. On y apprendra que c’est aujourd’hui probablement la ville la plus froide au monde, l'une des plus polluées et plus polluantes de la planète, la moins accessible aussi (aucune route n’y mène), mais une ville qui malgré tout attire toujours plus de travailleurs prêts à sacrifier santé physique et mentale pour extraire plus de nickel, de cuivre et de palladium à l’endroit même où se trouvait jusqu’aux années 50 le fameux camp de travail forcé Norillag, combinant complexe minier et goulag. Parfait pour un disque d’électro industrielle donc. Sauf que chez Sylvgheist Maëlström la nature tente en permanence de reprendre ce qui lui revient de droit, à savoir sa place, que l’homme a réquisitionné et s’est appropriée à l'extrême, y établissant ses constructions les plus belles et les plus folles, voire franchement diaboliques comme à Norillag. Dès lors, un jeu de piste sonore s’organise très rapidement : l’auditeur se met immédiatement en quête des marques de coexistence des deux belligérants, essayant de capter des preuves de la destruction des installations humaines par la nature, laquelle s’immisce dans les titres du Français par petites touches de sabotage, qu'il soit rythmique comme celui qui survient par deux fois pour chambouler le moteur de "Transition 2", ou serait-ce sous la forme de motifs plus légers, lumineux et enchevêtrés dans des ossatures lourdes, soutenues par une rythmique en mode machine vapeur comme sur "Norilsknickel". Comme s'il plaçait des pointes rouillées et des touffes d’herbe ici et là au gré de ses compositions de prime abord rugueuses et métalliques, Sylvgheist Maëlström orchestre peu à peu la destruction inévitable de l'oeuvre humaine par des incursions végétales ou des oxydations lentes qui imposent leur propre diffusion rampante. Reconnaissons que le concept semble peu banal de la part d'un architecte de formation.
Le disque commence son périple à Svalbard, archipel norvégien lui aussi localisé dans le même cercle polaire que Norilsk, avec sa mélodie qui papillonne et qui se fredonne, avant de passer par trois transitions où les rythmes se font plus martiaux, où la tension monte à mesure que l’on s’approche du Norillag en passant par le volcan de Sinabung. Chacun tentera de percevoir les marques d'une lutte tour à tour lente et microscopique ou violente et macroscopique ("Volcanic Storm", "Sinabung") sur ces onze titres d'électronica, d’électro indus et de techno à la façon du Download de cEvin Key et Phil Western. En choisissant Norillag et son histoire dramatique pour son quatrième disque, Sylvgheist Maëlström veut peut-être attirer notre attention sur le fait que si la nature a depuis longtemps commencé son travail de réappropriation et d'éradication, l'homme n'a pas fini de s'infliger à lui-même les pires sévices, comme le suggèrent les deux derniers titres "Alienation" et "Insanity".


Ce qu'on a aimé
La réflexion proposée par Sylvgheist Maëlström sur la destruction par la nature
La pochette très inhabituelle pour ce genre de projet et de musique
Ce qu'on n'a pas aimé
L'absence d'un court manifeste explicant la démarche et les choix
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TRACKLISTING
1. Svalbard
2. Transition 1
3. Transition 2
4. Transition 3 Husavik
5. Sanchi
6. Norilsknickel
7. Sinabung
8. Mariana
9. Mayak
10. Volcanic Storm
11. Alienation
12. Insanity

DATES
Sorti le vendredi 27 avril 2018
Chroniqué le 22 juillet 2018