Il était une fois une jeune fille passionnée d'art et originaire de Poitiers : Camille Berthomier. Devenue depuis actrice, nominée aux César en 2019 comme "Meilleur espoir féminin", animatrice télé sur Arte depuis le début de l'année, et auteure de nouvelles érotiques elle est, depuis toujours, passionnée de musique. À l'âge de 20 ans, Camille se barre à Londres, devient Jehnny Beth, un nom autrement plus sexy, et fonde Savages. Avec ce groupe, on plongeait dans les racines d'un rock gothique sombre, tendu et un peu précieux sans doute, et le succès fut immédiat. Aujourd'hui, à 35 ans, Jehnny Beth change de créneau avec son premier album solo, "To Love Is To Live", produit par Flood et Atticus Ross, excusez du peu. Le disque n'a de la douceur que l'apparence : si il lorgne beaucoup vers Fever Ray, autre échappée solo de talent d'une chanteuse torturée ayant délaissé son groupe (The Knife), ce n'est pas pour autant qu'on rit aux éclats. Les morceaux hésitent entre schizophrénie ("I'm The Man", "Heroine", "Could You") et une certaine tristesse que l'on peut aisément qualifier de désespoir ("The Rooms", "French Countryside", "We Will Sin Together") : piano, synthétiseurs froids, rythmiques hachées, maîtrise des espaces et du silence, quelques violons et un poil d'instruments à vent collent à merveille avec la superbe voix, tantôt brisée, tantôt envoûtante de la fascinante Camille... mais pas seulement la sienne, car deux invités prestigieux prêtent la leur : Joe Talbot du groupe IDLES venu déverser un peu sa rage, et Cillian Murphy, l'acteur principal de Peaky Blinders -lui se contentant de parler. "To Love Is To Live" est un diamant aux couleurs sombres, un album vénéneux qui va vite vous obséder et qui marquera probablement durablement l'année 2020.